Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sions l’abandonner : je l’ai vu moi-même rebâtir en partie. Mais certes, ce n’est pas à cause de la manière dont il a été détruit que ce château doit être ainsi relevé : les exploits des Douglas sont toujours accompagnés de barbaries qui assurément ne peuvent obtenir l’approbation du ciel. Pour toi, ménestrel, je vois que tu es décidé à ne pas changer d’opinion, et je ne puis t’en blâmer ; car les merveilleux revers de fortune qui ont successivement assailli tous les possesseurs de cette forteresse autorisent suffisamment les hommes à y chercher ce qu’ils regardent comme l’indication manifeste de la volonté du ciel ; mais tu peux croire, bon ménestrel, que la faute n’en sera point à moi si le jeune Douglas trouve encore l’occasion d’exercer son talent culinaire par une seconde édition de son Garde-manger de famille, et s’il peut profiter des prédictions de Thomas-le-Rimeur. — Je ne révoque en doute ni votre circonspection ni celle de sir John de Walton, répliqua Bertram ; mais je puis dire sans crime que le ciel mène toujours à fin ses projets. Je regarde le château de Douglas comme un lieu prédestiné, et je brûle du désir de voir quels changements le temps a pu y opérer dans un espace de vingt ans ; je désirerais surtout m’emparer, s’il était possible, du volume de ce Thomas d’Erceldonne, qui contient un fonds si riche de poésies oubliées et de prophéties qui intéressent à un si haut point les destinées futures de l’empire britannique, des royaumes du Nord et du Midi. »

Le chevalier ne répondit rien ; mais il marcha un peu en avant, suivant la partie la plus élevée du bord de la rivière, le long de laquelle la route était fort escarpée. Les voyageurs parvinrent enfin au sommet d’une montée très haute et très longue. De ce point, et derrière un énorme roc qui paraissait avoir été mis de côté et disposé comme une décoration de théâtre pour que la vue plongeât dans la partie basse de la vallée, ils aperçurent dans son ensemble le val immense. Ils en avaient déjà vu quelques parties en détail ; mais alors, comme la rivière devenait plus étroite en cet endroit, le vallon se développait dans toute sa profondeur et sa largeur, et l’on y apercevait à peu de distance du cours de l’eau, le superbe château seigneurial qui lui donnait son nom. Le brouillard, qui emplissait toujours la vallée de ses nuages cotonneux, ne laissait voir qu’imparfaitement les fortifications grossières qui servaient de défense à la petite ville de Douglas, remparts assez solides pour repousser une tentative d’attaque, mais non pour résister à ce qu’on appelait alors un siège en règle. L’objet qui attirait princi-