Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/65

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Les règles qui présidaient aux chasses anciennes sont pourtant aussi différentes que possible de nos usages modernes. De nos jours, on regarde un seul renard ou un pauvre lièvre comme récompensant bien la peine que se sont donnée, pendant tout un jour, quarante ou cinquante chiens, et environ autant d’hommes et de chevaux ; mais les chasses anciennes, lors même qu’elles ne se terminaient pas par une bataille, comme il arrivait souvent, présentaient toujours une bien plus grande importance et un intérêt beaucoup plus vif. S’il est un genre d’exercice qu’on puisse citer comme le plus attrayant pour la plupart des hommes, c’est à coup sûr celui de la chasse. Le pauvre souffre-douleur, qui a travaillé toute sa vie, qui a usé toute son énergie à servir ses semblables… l’homme qui a été pendant de longues années l’esclave de l’agriculture, ou, qui pis est, des manufactures… qui tous les ans ne recueille qu’une chétive mesure de grain, ou est cloué sur un pupitre par un travail monotone… tous peuvent difficilement rester insensibles à la joie générale, lorsque la chasse passe près d’eux avec les chiens et les cors, et pour un moment ils ressentent toute l’ardeur du plus hardi cavalier de la troupe. Que les personnes qui ont assisté à ce spectacle rappellent à leur imagination l’agitation et l’intérêt qu’elles ont vu se répandre dans un village au passage d’une chassée, depuis le plus vieux jusqu’au plus jeune des habitants. Alors aussi qu’on se souvienne des vers de Wordsworth :

Debout, prends ton bâton, en avant, Timothée,
Pas une âme au village à présent n’est restée ;
Le lièvre a d’Hamilton déserté le coteau,
Et la meute en émoi va courir le Skeddaw.

Mais comparez ces sons inspirateurs au vacarme de tout une population féodale se livrant à un tel exercice, d’une population dont la vie, au lieu de s’écouler dans les travaux monotones des professions modernes, a été continuellement agitée par les hasards de la guerre et par ceux de la chasse, peu différents entre eux ; et vous supposerez naturellement que l’élan se communique comme un incendie dévorant les bruyères arides. Une ancienne partie de chasse, sauf la nature du carnage, ressemblait presque à une bataille moderne, lorsque l’engagement a lieu sur un terrain inégal et varié dans sa surface. Tout un district versait ses habitants, qui formaient un anneau d’une grande étendue ; puis, avançant et rétrécissant leur cercle par degrés, ils chassaient devant eux toute espèce de gibier. Ces animaux, lorsqu’ils s’élançaient d’un taillis ou