Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/80

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« Pour l’amour du ciel ! ne nous faites, ni à vous-même ni à moi, l’injustice de supposer que je veuille vous trouver en défaut. Songez, jeune homme, que, quand vous refusez de donner à votre commandant l’avis qu’il vous demande, vous manquez à votre devoir, tout comme si vous refusiez de lui prêter l’assistance de votre épée et de votre lance. — En ce cas, répondit de Valence, faites-moi positivement savoir sur quoi vous me demandez mon opinion, et je vous la donnerai franchement. Oui, j’en courrai les risques, quand même je devrais être assez malheureux, crime impardonnable dans un si jeune homme et dans un officier si inférieur, pour différer d’avis avec sir John de Walton. — Je vous demanderai donc, sire chevalier de Valence, quelle est votre opinion relativement à ce ménestrel Bertram, et si vous ne pensez pas que les soupçons qui s’élèvent contre lui et son fils m’ordonnent de leur faire subir à tous deux un sévère interrogatoire, de les mettre à la question ordinaire et même extraordinaire, comme la chose se pratique habituellement, et de les expulser non seulement du château, mais encore de tout le territoire des Douglas, sous peine d’être fouettés, s’ils reviennent encore errer dans les environs. — Vous me demandez mon avis : je vais vous le donner, sire chevalier de Walton, avec autant de liberté et de franchise que si les choses étaient encore entre nous sur le même pied d’amitié qu’autrefois. Je conviens avec vous que la plupart des hommes qui embrassent aujourd’hui la profession de ménestrel, sont tout-à-fait impropres à soutenir les hautes prétentions de ce noble métier. Les véritables ménestrels sont des gens qui se sont voués à la glorieuse occupation de célébrer les belles actions et les sentiments généreux ; c’est dans leurs vers que le vaillant chevalier passe à la postérité, et le poète peut, il doit même chercher à égaler les vertus qu’il célèbre. Le désordre de l’époque a diminué l’importance et altéré la moralité de ces bardes errants ; aujourd’hui leur satire et leur louange sont trop souvent dictées par l’amour du gain. Espérons cependant qu’il en est encore quelques uns qui connaissent et remplissent leur devoir. Mon opinion est que ce bertram n’a point partagé la dégradation de ses confrères, n’a point fléchi le genou devant l’iniquité des temps ; il vous reste à juger, sir de Walton, si la présence d’un tel homme peut occasionner le moindre péril au château de Douglas. Mais croyant, d’après les sentiments qu’il a manifestés devant moi, qu’il est incapable de jouer le rôle de traître, je dois m’opposer de toutes mes forces à ce qu’il soit puni comme tel, ou soumis à la torture