Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/79

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de dire un mot. — Pardon, reprit sir John de Walton, le ménestrel est venu ici comme faisant partie de votre suite, et je ne pouvais, avec la politesse convenable, le congédier sans votre permission. — Alors je suis à mon tour fâché, répondit sir Ajmer, que vous n’ayez pas exprimé plus tôt ce désir. Je n’ai jamais eu l’idée de conserver un vassal ou un serviteur dont la résidence au château se prolongeât d’un moment au delà de votre honorable plaisir. — Je suis fâché, moi, répliqua sir John, que nous soyons devenus tous deux, depuis un certain temps, d’une politesse si excessive qu’il nous soit difficile de nous entendre. Ce ménestrel et son fils viennent nous ne savons d’où, vont nous ne savons où. Des gens de votre escorte ont rapporté que, chemin faisant, ce drôle de Bertram a eu l’audace de combattre, même à votre face, le droit du roi d’Angleterre à la couronne d’Écosse, et qu’il a discuté ce point avec vous, tandis que les personnes qui vous accompagnaient avaient été priées par vous de se tenir en arrière et de manière à ne pas entendre. — Ah ! s’écria sir Aymer, voudriez-vous fonder sur cette circonstance une accusation contre ma loyauté ? Je vous prie de réfléchir qu’un pareil langage touche à mon honneur, et je suis prêt à le défendre jusqu’à mon dernier soupir. — Je n’en doute pas, sire chevalier ; mais c’est contre le ménestrel vagabond, et non contre l’illustre chevalier anglais que l’accusation est portée. Eh bien ! ce ménestrel vient au château, et il exprime le désir qu’on laisse son fils loger à ce vieux couvent de Sainte-Brigitte, où l’on permet encore à deux ou trois vieilles nonnes écossaises et à autant de moines de résider ensemble, plus par respect pour leur sacré caractère, que pour la bienveillance dont on peut les supposer animés à l’égard des Anglais ou de leur souverain. Il faut aussi remarquer que ce séjour au couvent a été, si mes renseignements sont exacts, acheté par une somme d’argent plus considérable qu’il ne s’en trouve d’ordinaire dans la bourse des ménestrels ambulants, vagabonds qui se ressemblent tous pour la pauvreté et le génie. Que pensez-vous de tout cela ? — Moi ? je m’estime heureux que ma position comme soldat sous vos ordres me dispense du soin de penser. Mon poste, comme lieutenant de votre château, est tel que, si je puis conduire ma barque de manière à conserver mon honneur et ma conscience, je dois me trouver suffisamment libre ; et je vous promets qu’il n’y aura plus moyen de me réprimander à ce sujet, ni d’envoyer à mon oncle un rapport à ma charge. — Voilà qui passe les bornes ! » dit sir John de Walton à part soi, puis il continua à voix haute :