Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 25, 1838.djvu/82

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de courir le risque d’une conspiration contre le roi, et de rendre ainsi plus facile la prise par trahison du château de Douglas, pour laquelle sont formés tant de projets à ma connaissance, pour laquelle même aucun projet, si désespéré qu’il soit, ne peut être imaginé sans qu’il se trouve des gens assez hardis pour se charger de l’exécution ? Un homme placé dans ma situation, quoique esclave de sa conscience, doit apprendre à mettre de côté tous ces faux scrupules, qui ont l’air de découler d’une sensibilité honorable, tandis qu’en fait ils sont le résultat des suggestions d’une délicatesse affectée. Je ne me laisserai pas, j’en jure par le ciel ! égarer par les sornettes d’un bambin tel qu’Aymer ; je ne m’exposerai pas, pour déférer à ses caprices, à perdre tout ce que l’amour, l’honneur et l’ambition peuvent me promettre en récompense d’un service d’une année, service d’un genre aussi désagréable que difficile. J’irai droit à mon but, je prendrai en Écosse les précautions que je prendrais en Normandie ou en Gascogne… Holà ! un page ! quelqu’un ! »

Un de ses domestiques répondit à cet appel : « Cherche-moi, lui dit-il, Greenleaf l’archer, et avertis-le que je voudrais lui parler relativement aux deux arcs et au paquet de flèches pour lesquels je l’ai envoyé dans le comté d’Ayr. »

Quelques minutes s’étaient à peine écoulées après cet ordre, que l’archer entra, tenant à la main deux bois d’arc non encore façonnés, et un faisceau de flèches attachées avec une courroie. Il avait l’air mystérieux d’un homme dont la visite n’a, en apparence, qu’un but peu important, tandis qu’il s’agit en réalité d’affaires qui peuvent être d’une haute et secrète gravité. C’est pourquoi, comme le chevalier gardait le silence et ne lui fournissait pas d’autre manière d’entrer en conversation, Greenleaf, en habile négociateur, entama l’entretien sur le motif qui semblait l’amener.

« Voici les bois d’arc, noble chevalier, que vous m’aviez chargé de vous procurer lorsque je suis allé dans le comté d’Ayr visiter l’armée du comte de Pembroke. Ils ne sont pas aussi bons que je l’aurais voulu ; cependant ils sont peut-être meilleurs que n’aurait pu se les procurer toute autre personne qu’un véritable connaisseur en fait d’armes. Tous les soldats du comte de Pembroke ont la fureur de vouloir des bois espagnols venant de Groyne, ou d’autres ports d’Espagne ; mais, quoique deux vaisseaux chargés de ces bois soient entrés dans le port d’Ayr, soi-disant pour l’armée du roi, cependant je crois qu’il ne s’en trouve pas actuellement la moitié