Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/114

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comme du digne John Semple, qu’on appelle Carspharn John[1], dans une semblable épreuve : j’ai été cette nuit sur les rives d’Ulaï, cueillant çà et là une pomme sur l’arbre. »

Quel que fût le courage dont Davie cherchait à s’armer pour remplir son devoir de chrétien, il avait un cœur trop tendre pour n’être pas affecté profondément de cette perte. Woodend lui devint odieux ; et comme il avait acquis de l’expérience et quelque argent dans l’exploitation de cette petite ferme, il résolut de profiter de l’une et de l’autre pour se faire fermier-laitier et nourrisseur de bestiaux, comme on les appelle en Écosse. Il choisit pour son nouvel établissement un endroit appelé la butte de Saint Léonard (Saint-Léonard’s Craigs), situé entre Édimbourg et la montagne d’Arthur’s Seat, et voisin d’immenses pâturages qu’on nomme encore le Parc du Roi (King’s Park), parce qu’autrefois ils étaient un enclos de réserve pour le gibier royal. Il y loua une petite maison à un demi-mille de la ville, mais dont l’emplacement, ainsi que tout l’espace qui la séparait d’Édimbourg, est maintenant occupé par le faubourg du sud est. Une prairie considérable, que Deans loua du gardien du Parc du Roi, le mit à même de nourrir des vaches, du lait desquelles l’industrie et l’activité de Jeanie, sa fille aînée, tiraient le meilleur parti possible.

Jeanie avait alors moins d’occasions de voir Butler, qui, après plusieurs désappointements, avait été forcé d’accepter la place fort modeste de sous-maître dans une école paroissiale de quelque importance, à trois ou quatre milles d’Édimbourg. Il s’y concilia l’estime et la confiance de quelques bourgeois des plus considérables, qui, pour raison de santé ou pour tout autre motif, voulaient que leurs enfants commençassent leur éducation dans ce petit village. Son avenir devenait donc plus riant, et à chaque visite qu’il faisait à Saint-Léonard, il trouvait l’occasion de dire quelque chose à Jeanie sur leur projet de mariage. Ces visites étaient nécessairement fort rares, son temps étant réclamé par les soins de l’école, et même il n’osait en faire d’aussi fréquentes que ses occupations le lui auraient permis. Deans le recevait, il est vrai, avec honnêteté, et même avec bienveillance ; mais Reuben, comme il arrive en pareil cas, s’imaginait que le père lisait ses intentions dans ses yeux, et il craignait qu’une explication prématurée sur ce sujet ne lui attirât un refus positif. En un

  1. John Semple, appelé Carspharn John, parce qu’il était ministre d’une paroisse de ce nom dans le Galloway, fut un prébystérien d’une grande piété et d’un zélé ardent. Patrick Walkers rapporte de lui le passage suivant : « Il passa la nuit qui suivit la mort de sa femme en prières et en méditation dans son jardin. Le matin, un des anciens vint le voir, le plaignit de la grande perte qu’il avait faite et de son malheur ; il répondit : Je déclare que toute la nuit je n’ai pas pensé à la mort de ma femme, absorbé que j’étais dans la méditation des choses du ciel. Toute la nuit j’ai été sur les bords d’Ulaï, cueillant une pomme çà et là. Walker’s remarkable Passages of the life and death of Mr. John Semple.