Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/175

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lequel il avait d’abord parlé, apparemment parce qu’il s’était rendu maître de l’agitation qu’il avait éprouvée en commençant à parler. Jeanie resta muette d’horreur en entendant un langage qui contrastait tellement avec ce qu’elle avait jamais ouï, qu’il lui sembla devoir être proféré par un démon plutôt que par un homme. L’étranger continua sans paraître remarquer sa surprise. « Vous voyez devant vous un misérable destiné au malheur dans ce monde et dans l’autre. — Pour l’amour de Dieu qui nous voit et nous entend, dit Jeanie, ne parlez pas d’un ton si désespéré ! l’Évangile est envoyé aux plus grands pécheurs, aux plus misérables entre les misérables. — Alors je dois avoir part à ses promesses, dit l’étranger, si vous regardez comme le plus grand des pécheurs celui qui a causé la destruction de la mère qui l’a mis au monde, de l’ami qui l’aimait, de la femme qui avait mis en lui sa confiance, de l’innocent enfant qui lui dut le jour. Si c’est un péché que d’avoir causé tant de maux, si c’est un malheur que d’y survivre, je suis en effet le plus coupable et le plus malheureux de tous les hommes. — Ainsi, vous êtes donc le criminel auteur de la ruine de ma sœur ! » dit Jeanie avec une expression involontaire d’indignation.

« Maudissez-moi si vous voulez, je ne l’ai que trop mérité de vous. — Il me convient davantage de prier Dieu qu’il vous pardonne. — Faites là-dessus ce que vous voudrez, pourvu que vous me promettiez d’obéir aux directions que je vous donnerai pour sauver la vie à votre sœur. — Il faut que je sache d’abord, dit Jeanie, quels sont les moyens que je dois employer. — Non, il faut que vous vous engagiez d’abord par un serment, un serment solennel, de les employer quand je vous les aurai fait connaître. — Un serment ? il n’est pas besoin d’un serment pour qu’on croie que je ferai tout ce qui est permis à un chrétien pour sauver la vie de ma sœur. — Je ne veux pas de réserve, » s’écria l’étranger d’une voix de tonnerre ; « permis ou non permis, chrétien ou païen, il faut que vous juriez de faire ce que je vous prescrirai, et de vous laisser diriger par mes conseils, ou… Vous ne savez guère à la colère de qui vous vous exposez. — Je penserai à ce que vous venez de dire, » répondit Jeanie qui commençait à être fort alarmée de la violence frénétique de ses manières, et qui se demandait à elle-même si elle parlait à un fou furieux ou à un démon incarné : « je réfléchirai à ce que vous venez de dire, et je vous ferai réponse demain. — Demain ! » s’écria l’inconnu avec