Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/231

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« Quoi ! vous ne vous souvenez pas du clair de lune et de la butte de Muschat, et de Robertson, et de Ratcliffe ? Votre mémoire a besoin d’être rafraîchie, ma chère amie. »

Si quelque chose eût pu augmenter le chagrin de Jeanie, c’eût été de voir sa sœur confiée à la garde d’un homme aussi corrompu. Ratcliffe possédait sans doute quelques qualités propres à balancer tout ce qu’il y avait de criminel dans sa conduite et ses habitudes : au milieu de tous ses brigandages, il n’avait jamais été ni sanguinaire ni cruel, et dans ses fonctions actuelles il s’était déjà montré accessible à l’humanité ; mais le bon côté de son caractère était inconnu à Jeanie, qui, se rappelant la scène de la butte de Muschat, eut à peine la force de lui expliquer qu’elle avait un ordre du bailli Middleburg qui lui permettait de voir sa sœur.

« Je sais cela, ma belle, et à telles enseignes que je ne dois point m’éloigner pendant tout le temps que vous serez ensemble. — Faut-il absolument que cela soit ainsi ? » dit Jeanie d’une voix suppliante.

« Eh bien donc, ma chère, reprit le porte-clefs, quel mal cela vous fera-t-il, à vous et à votre sœur, que James Ratcliffe, entende ce que vous avez à vous dire ? Du diable si vous dites un mot qui m’en apprenne plus que je n’en sais sur votre fripon de sexe ; et d’ailleurs je vous déclare que, pourvu que vous ne formiez pas le complot d’enfoncer les portes de la prison, vous pouvez dire tout ce que vous voudrez ; ne craignez pas que j’en répète un mot, soit en bien, soit en mal. »

En parlant ainsi, Ratcliffe la conduisit dans la petite chambre où Effie était renfermée.

La honte, la crainte et la douleur avaient agité tour à tour le cœur de la pauvre captive, qui depuis le matin ne s’était occupée d’autre chose que de cette entrevue ; mais quand la porte s’ouvrit, toutes ces sensations se confondirent, et ce fut avec une émotion indéfinissable et mêlée d’un mouvement de joie qu’elle se jeta au cou de sa sœur en s’écriant : « Ma chère Jeanie ! ma chère Jeanie ! qu’il y a long-temps que je ne vous ai vue ! » Jeanie lui rendit cet embrassement avec une vivacité qui allait presque jusqu’au transport ; mais ce fut une sensation passagère, semblable au rayon de soleil qui vient percer une nuée d’orage, et qui disparaît aussitôt qu’il s’est montré. Les deux sœurs s’approchèrent ensemble du lit d’Effie, s’y assirent, et, se tenant la main, se regardaient mutuellement sans se parler. Pendant qu’elles se contemplaient