Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/296

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traversant la cour d’un pas ferme, elle sortit du château le cœur brûlant de cette honte mêlée d’indignation qu’éprouve naturellement une personne délicate qui vient de s’exposer à un refus auquel elle n’avait pas droit de s’attendre. Lorsqu’elle fut hors des terres du laird et qu’elle se retrouva sur la grande route, son pas se ralentit, sa colère se calma, et des réflexions inquiètes sur la conséquence du mécompte qu’elle venait d’éprouver lui inspirèrent d’autres sentiments. Se résignerait-elle réellement à mendier sur sa route jusqu’à Londres ? car elle n’avait pas d’autre alternative, à moins de retourner demander de l’argent à son père et par là de perdre un temps précieux, outre le risque qu’elle courait de s’attirer sa défense positive d’entreprendre ce voyage. Elle ne voyait pourtant aucun terme moyen entre ces deux partis, et elle marchait lentement, réfléchissant si elle ne ferait pas mieux de retourner sur ses pas.

Tandis qu’elle était ainsi plongée dans l’incertitude, elle entendit le pas d’un cheval et une voix bien connue qui l’appelait par son nom. Elle regarda en arrière et vit s’avancer vers elle un cavalier qui n’était autre que Dumbiedikes lui-même. Il était monté à poil sur son poney, dont la nudité et le simple licou s’accordaient parfaitement avec la robe de chambre et le chapeau galonné de son maître. Dans la promptitude de sa poursuite, le laird était venu à bout de vaincre l’obstination montagnarde de Rory Bean, et de forcer cet opiniâtre palefroi à aller du côté qui convenait à son cavalier ; Rory n’obéissait cependant qu’avec la plus grande répugnance, retournant la tête et accompagnant chaque bond qu’il faisait en avant d’un mouvement de côté, qui indiquait son extrême désir de revenir au logis, ce que l’exercice constant des talons et du bâton du laird pouvait seul l’empêcher d’exécuter.

Quand le laird eut rejoint Jeanie, les premiers mots qu’il prononça furent : « Jeanie, on dit qu’on ne doit jamais prendre une femme à son premier mot. — Cela n’empêche pas que vous ne deviez me prendre au mien, laird, » dit Jeanie les yeux fixés sur la terre et continuant de marcher. « Je n’ai jamais qu’un mot pour tout le monde, et c’est un mot sur lequel on peut toujours compter. — Du moins, dit Dumbiedikes, vous ne devriez pas toujours prendre un homme à son premier mot. Je ne vous laisserai pas aller de cette manière sans argent, quoi qu’il en arrive. » Il lui mit une bourse dans la main. « Je vous aurais bien donné Rory