Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait eu la bonne fortune de trouver un logement dans une auberge tenue par une de ses compatriotes, et aussi pour écrire deux lettres, l’une à son père, l’autre à Butler : opération qui n’était pas sans quelque difficulté, ses habitudes ne l’ayant nullement familiarisée avec le style épistolaire. Voici la teneur de celle qu’elle adressait à son père :

Mon très-cher Père,

« Ce qui rend le pèlerinage que je fais en ce jour d’autant plus pénible et plus douloureux, c’est la triste réflexion que je l’ai entrepris à votre insu, ce qui, Dieu le sait, était bien à contrecœur ; car l’Écriture nous dit que le vœu d’une fille ne pourra la lier sans le consentement de son père ; d’après quoi je puis être regardée comme coupable d’avoir entrepris ce voyage sans votre agrément. Cependant, mon esprit a été frappé de la pensée que j’étais destinée à devenir un instrument de salut pour ma pauvre sœur dans l’extrémité où elle est réduite ; autrement, pour tout l’or et les richesses du monde entier, je n’aurais pas voulu faire une telle démarche sans votre aveu et votre approbation. Ô mon cher père ! si vous désirez que mon voyage soit béni, dites un mot, ou du moins écrivez une ligne de consolation à notre pauvre prisonnière. Si elle a péché, elle a gémi et souffert ; et vous savez mieux que moi qu’il faut que nous pardonnions aux autres, si nous voulons que le pardon que nous demandons nous soit accordé… Pardonnez-moi, mon cher père, d’oser vous parler ainsi ; je sais qu’il ne convient pas à une jeune tête de vouloir en remontrer à vos cheveux blancs ; mais je suis si éloignée de vous que mon cœur s’émeut de tendresse en pensant à vous tous, ce qui fait que, dans le désir que j’éprouve d’apprendre que vous lui avez pardonné son péché, j’en dis sans doute plus qu’il ne convient. Les gens du pays sont civils ; et de même que les Barbares envers le saint Apôtre, ils m’ont témoigné beaucoup d’humanité : il y a parmi eux, à ce qu’il paraît, une espèce de peuple d’élus ; car ils ont aussi des églises sans orgues comme les nôtres, qu’on appelle assemblées, où le ministre prêche sans surplis. Mais le plus grand nombre des habitants est prélatiste, ce qui est une chose bien terrible ; et j’ai vu deux de leurs ministres qui suivaient une meute de chasse avec autant de hardiesse et d’ardeur que Roslin ou Driden, le jeune laird de Loup-the-Dyke, ou tout autre jeune étourdi du Lothian… Spectacle bien affligeant. Ô mon