Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/32

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nature de ses malheurs, peut, dis-je, en abandonnant tout ce qu’il possède à ses créanciers, obtenir sa liberté. — J’ai entendu parler, répondis-je, de cette législation si conforme à l’humanité. — Oui, dit Halkit, et le beau de l’affaire, c’est que vous pouvez, comme dit un confrère étranger obtenir la cession, quand les biens sont mangés. Mais pourquoi bouleverser votre poche pour trouver votre unique mémoire au milieu des billets de spectacle, des lettres de convocation à la faculté, des règlements de la société spéculative, des extraits de discours ? car on trouve tout dans la poche d’un jeune avocat, hors des mémoires et des billets de banque. Ne pouvez-vous exposer une affaire de cessio sans votre mémoire ? On en fait tous les samedis ; ces affaires marchent et se succèdent avec la régularité d’une horloge ; elles sont toutes semblables. — Mais cela n’a aucun rapport avec la variété des infortunes que ce pauvre homme a exposées devant ses juges, dis-je. — C’est vrai, dit Halkit ; mais Hardie parle de jurisprudence criminelle, et cette affaire-ci est purement civile. Je plaiderais moi-même une cessio, sans être inspiré par l’honneur de la robe et de la perruque à trois marteaux. Écoutez. Mon client, d’abord ouvrier tisserand, amassa quelque argent ; il prend une ferme (car conduire une ferme est un talent naturel, comme celui de faire tourner une toupie) mais il fait à un ami des billets de complaisance que celui-ci ne peut payer ; son propriétaire l’expulse de sa ferme ; les créanciers acceptent un arrangement. Il ouvre un cabaret, fait une seconde faillite, et est emprisonné pour une dette de dix guinées sept shillings six pences. Son actif et son passif étaient en balance parfaite : zéro de part et d’autre. Dès lors nulle opposition ; je demande qu’il plaise à la cour ordonner qu’il prêtera serment et que l’on nomme une commission pour le recevoir. »

Hardie renonça alors à son inutile recherche, dans laquelle il entrait peut-être un peu d’affectation, et nous raconta les malheurs du pauvre Dunover avec une sensibilité étrangère à son état et dont il semblait honteux, ce qui ne lui en faisait que plus d’honneur. C’était une de ces histoires qui montrent comment le malheur ou la fatalité s’attachent à un héros. Dunover, homme intelligent, laborieux, irréprochable, mais pauvre et timide, avait tenté en vain tous les moyens qui procurent aux autres l’indépendance ; il n’avait jamais pu gagner au-delà de sa subsistance. Il eut un moment d’espérance plutôt que de prospérité réelle, et il se mit sur les bras une femme et une famille ; mais ses espé-