Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/333

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tout cela, et quel est votre but ; car du diable si je touche à cette fille ou si je souffre qu’on y touche, surtout avec la passe qu’elle a de Jim Rat. — Tu es un brave garçon, Franck, répondit la vieille ; mais tu es trop compatissant pour ton état : ton tendre cœur te mettra dans l’embarras. Je vous verrai quelque jour monter Holborn-Hill à reculons, et cela sur la déclaration de quelque drôle qui n’aurait dit mot si vous lui aviez coupé le sifflet avec votre poignard. — Vous pourriez bien vous tromper, la vieille : j’ai connu plus d’un joli garçon arrêté tout court dans son début sur le grand chemin pour avoir voulu aller un peu trop vite en affaires ; d’ailleurs un homme voudrait au moins passer ses courtes années sans remords de conscience. — Mais voyons, dites-moi ce que tout ceci signifie, et ce que l’on peut faire honnêtement pour vous servir. — Eh bien, vous saurez donc, Franck… mais, d’abord, buvez-moi ce verre de genièvre. » Elle tira un flacon de sa poche et lui en remplit un grand verre, qu’il avala en le déclarant excellent. « Vous saurez donc, Franck… mais ne voulez-vous point y revenir ? » lui offrant encore le flacon.

« Non, non : quand une femme veut vous exciter au mal, elle commence toujours par vous faire boire. Au diable le courage que donne l’eau-de-vie ! Ce que je fais, je veux le faire à jeun et avec réflexion : j’en durerai aussi plus long-temps. — Eh bien donc, vous saurez, » reprit la vieille femme sans chercher à le gagner davantage par la boisson, « vous saurez que cette fille va à Londres. »

Ici Jeanie ne put distinguer que le mot sœur.

Le voleur répondit plus haut : « Eh bien ! elle fait bien ; et que diable vous importe ? — Il m’importe assez, je crois : si cette autre là-bas échappe à la corde, ce nigaud l’épousera. — Et qu’est-ce que cela fait à quelqu’un ? — Qu’est-ce que cela fait, imbécile ? mais cela me fait à moi, et je l’étranglerais de mes propres mains plutôt que de la voir préférer à Madge. — Préférer à Madge ? est-ce que vos vieux yeux ne voient pas plus loin que cela ? S’il est ce que vous dites, croyez-vous qu’il épouse jamais une lunatique comme Madge ? Parbleu, en voilà une bonne ! épouser Madge Wildfire ! ha, ha, ha ! — Écoute, échappé de la potence, mendiant de naissance et voleur de profession, répliqua la vieille ; supposons qu’il ne l’épouse jamais, est-ce une raison pour qu’il en épouse une autre, et que je voie tenir à cette autre la place de ma fille, tandis qu’elle a la raison troublée, et que moi je suis de-