Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/35

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C’était sur cette esplanade que se faisaient les exécutions publiques, il y a environ trente ans. Un énorme gibet noir, élevé à l’extrémité orientale de la place, annonçait aux passants le jour fatal. Cette sinistre machine était d’une grande hauteur, entourée d’un échafaud avec deux échelles, l’une pour le patient, l’autre pour l’exécuteur. Cet appareil de mort était toujours disposé avant l’aurore ; il semblait que la potence sortît de terre pendant la nuit, comme l’œuvre d’un mauvais génie, et je me rappelle avec quel effroi, quand j’étais écolier, je considérais ces funestes préparatifs. Pendant la nuit qui suivait l’exécution, le gibet disparaissait, et était reporté sous les voûtes souterraines, obscures et silencieuses de Parliament-House, lieu de séance des cours de justice. Aujourd’hui les exécutions se font à Édimbourg de la même manière qu’à Newgate[1]. Ce changement a-t-il quelque avantage ? on peut en douter. Les souffrances morales du condamné sont abrégées ; il ne traverse plus une grande partie de la ville, entouré de prêtres, couvert d’un linceul, et semblable à un cadavre ambulant ; mais comme le principal objet de la peine est de prévenir les crimes, on peut croire qu’en abrégeant cette triste cérémonie, on a en même temps diminué en partie l’impression qu’elle faisait sur les spectateurs, unique résultat profitable de pareils supplices, et qui peut seul justifier, sauf quelques cas particuliers, les condamnations à mort.

Le 7 septembre 1736, ces préparatifs d’exécution étaient établis sur la place que nous avons décrite ; de grand matin des groupes nombreux l’entouraient, et le regardaient avec des yeux dans lesquels brillait une expression de vengeance et de satisfaction rarement manifestée par la populace, qui, en de pareilles occasions, oublie le crime du condamné pour ne penser qu’à son infortune. Mais le crime de celui qu’on attendait était de nature à exciter des sentiments de haine chez la multitude. Cette histoire est bien connue ; toutefois il est à propos d’en rappeler les principales circonstances pour l’intelligence de ce qui va suivre. Le récit pourra être long, mais j’espère qu’il ne sera pas sans intérêt pour ceux-là même qui ont déjà entendu parler de cette affaire. Au reste, quelques détails sont indispensables pour faire comprendre les événements que nous avons à raconter.

La contrebande, bien qu’elle attaque un gouvernement légitime dans sa racine en diminuant ses revenus, qu’elle porte pré-

  1. Lieu où se font les exécutions à Londres. a. m.