Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/459

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et, sans que rien pût indiquer leur intention, saisirent avec adresse un moment favorable pour s’emparer de mistress Dutton, et la tinrent si ferme qu’elle ne put ni résister ni se débattre. La chargeant ensuite sur leurs épaules presque horizontalement, ils quittèrent le rivage, entrèrent dans l’eau et déposèrent la dame dans la chaloupe sans lui faire souffrir d’autre inconvénient que de chiffonner un peu ses vêtements, mais dans un état de surprise, de mortification et de terreur qui la rendit complètement muette pendant deux ou trois minutes. Les montagnards sautèrent à bord : un seul d’entre eux, grand et vigoureux gaillard, resta dehors jusqu’à ce qu’il eût poussé la barque, et vint ensuite se joindre à ses compagnons : alors ils prirent leurs rames, déployèrent leurs voiles, et commencèrent à s’éloigner du rivage et à voguer lestement sur le détroit.

« Monstre d’Écossais ! » s’écria la demoiselle en fureur en s’adressant à Archibald ; «comment osez-vous traiter de cette manière une personne de ma sorte ? — Madame, » dit Archibald avec un grand sang-froid, « il est bien temps que vous sachiez que vous êtes dans le pays du duc, et qu’il n’y a pas un de ces hommes-là qui ne vous jetât dans le lac avec autant d’empressement qu’ils en ont mis à vous y transporter, si c’était le bon plaisir de Sa Grâce. — Alors que Dieu ait pitié de moi ! dit mistress Dutton : si j’avais su cela, je ne me serais jamais engagée à être des vôtres. — Il est un peu tard pour y penser, mistress Dutton, dit Archibald ; mais je vous assure que vous trouverez que ce pays de montagnes a ses plaisirs. Vous aurez une douzaine de vachers et de filles de laiterie sous vos ordres à Inverary, et vous pourrez leur faire faire un plongeon dans le lac si tel est votre bon plaisir ; car les premiers domestiques du duc ont autant d’autorité sur leurs subordonnés que le duc en a sur eux-mêmes. — Voilà qui est certainement bien étrange, monsieur Archibald, dit la demoiselle ; mais je suppose qu’il faut que j’en prenne mon parti. Êtes-vous bien sûr que la barque ne chavirera pas ? elle me paraît pencher terriblement d’un côté. — Ne craignez rien, » dit Archibald en prenant sa prise de tabac d’un air important : « Ce passage de la Clyde nous connaît bien, ou nous le connaissons, ce qui revient au même. Il n’y a pas à craindre qu’il arrive à personne aucun accident. Nous nous serions embarqués sur l’autre rive, si ce n’eût été les troubles qui ont lieu à Glasgow, et qui ne permettent pas aux gens de Sa Grâce de traverser cette