Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit loué ! Mais Effie, mon cher père, Effie ? — Vous ne la reverrez plus, mon enfant, répondit Deans d’un ton solennel. Vous êtes maintenant la seule et unique feuille laissée sur le vieux tronc. Dieu vous ait en garde ! — Elle est morte ! elle a péri ! La grâce est venue trop tard, » s’écria Jeanie en se tordant les mains.

« Non, Jeanie, » reprit Deans du même ton grave et mélancolique ; elle vit dans la chair, et est libre de toute contrainte de la justice. Plût au ciel qu’elle fût aussi dégagée des liens de Satan, et qu’elle vécût dans la foi ! — Que le Seigneur nous protège ! dit Jeanie ; la malheureuse enfant a-t-elle pu vous quitter pour ce misérable ? — Ce n’est que trop vrai, dit Deans ; elle a quitté son vieux père qui avait pleuré et prié pour elle ; elle a quitté sa sœur qui a essuyé tant de fatigues et de dangers, et qui a fait pour elle ce qu’aurait fait une mère ; elle a abandonné les os de sa mère et la terre de son peuple, et elle a passé la frontière avec ce fils de Bélial. Elle s’est enfuie de nuit de la maison de son père… » Il s’arrêta, car une sensation mêlée de ressentiment et de chagrin étouffait sa voix.

« Et avec cet homme, cet homme coupable ! Et c’est pour lui qu’elle nous a quittés ! Effie, Effie ! qui aurait pu le croire après que la Providence vous avait fait une telle grâce ? — Elle nous a quittés, mon enfant, parce qu’elle n’était pas des nôtres, reprit Davie ; c’est une branche stérile qui ne portera jamais aucun fruit de grâce ; une chèvre qui a fui dans le désert, emportant avec elle, je l’espère, les péchés de notre petite congrégation. Que la paix du monde soit avec elle ! et puisse-t-elle en trouver une meilleure lorsque Dieu lui fera la grâce de l’en tirer ! Si elle est au nombre de ses élus, son heure viendra. Qu’aurait dit sa mère, cette respectable matrone dont la mémoire s’est conservée comme le parfum de la myrrhe et de l’encens à Newbattle et à Lugton ? Mais tout est fini ; qu’elle parte, qu’elle suive ses propres voies ; qu’elle ronge son frein. Le Seigneur aura son temps. Elle était l’enfant de mes prières ; elle n’est peut-être pas entièrement perdue pour l’éternité. Mais Jeanie, que jamais son nom ne soit prononcé entre nous, elle s’est éloignée de nous comme le ruisseau que tarissent les ardeurs de l’été, comme dit le patient Job ; qu’elle soit oubliée comme elle a disparu. »

Un silence mélancolique succéda à ces paroles. Jeanie aurait bien voulu demander plus de détails au sujet de sa sœur ; mais la manière dont son père avait prononcé cette défense était positive.