Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/464

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Elle était sur le point de parler de son entrevue avec Staunton au rectorat ; mais se rappelant aussitôt les particularités de sa conversation avec lui, elle pensa que ce récit, loin d’adoucir le chagrin de son père, ne pourrait que l’aggraver. Elle parla donc d’autre chose, décidée à attendre, pour en savoir davantage, qu’elle eut vu Butler, qui lui donnerait sans doute de plus grands détails sur la fuite de sa sœur.

Mais quand devait-elle le voir ? C’était une question qu’elle ne pouvait s’empêcher de se faire, surtout lorsque son père, qui semblait désirer d’écarter la pensée de sa plus jeune fille, demanda à Jeanie, en lui montrant la rive opposée, celle du comté de Dumbarton, si ce ne serait pas là une agréable habitation, et lui déclara son intention de transporter sa tente dans ce pays, étant sollicité par Sa Grâce le duc d’Argyle, qui voulait utiliser ses connaissances en agriculture, de prendre la direction d’une ferme que Sa Grâce voulait établir pour l’amélioration des terres et des troupeaux.

Jeanie sentit son cœur défaillir en apprenant cette nouvelle. Elle convint que c’était une belle et bonne terre, et dont les collines étaient exposées au soleil couchant ; qu’elle ne doutait pas que les pâturages en fussent bons, car la verdure en était fraîche, malgré la sécheresse. Mais c’était bien loin de leur dernière habitation, et elle ne pourrait si tôt oublier les gazons remplis de marguerites et de renoncules, et les rochers de Saint-Léonard.

« N’en parlez plus, Jeanie, dit son père ; je ne veux plus entendre ce nom-là, c’est-à-dire après que la récolte sera faite et que mes billets seront payés. Mais j’ai amené ici celles de nos bêtes que vous aimiez le mieux, Gowan et votre vache blanche, et la petite génisse que vous nommiez… je n’ai pas besoin de vous dire le nom que vous lui donniez. Quoi qu’il en soit, je n’ai pu me résoudre à vendre cet animal que vous chérissiez tant, quoique sa vue puisse nous coûter plus d’un soupir ; mais ce n’est pas la faute de la pauvre bête. J’en ai fait mettre de côté deux ou trois autres, et je les ai fait conduire ici pour qu’elles marchent à la tête du troupeau, afin qu’on pût dire, comme lorsque le fils de Jessé revint du combat : « Voici les dépouilles de Davie. »

Les détails qu’il lui donna ensuite fournirent à Jeanie une autre occasion d’admirer l’active bienfaisance de son ami le duc d’Argyle. Désirant établir sur les confins de ses immenses propriétés des hautes terres une ferme destinée à faire des expériences en