Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/467

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vécût en bonne intelligence, car ces montagnards étaient violents, très-violents. Quant au révérend ministre dont il était parlé, c’était un candidat présenté par le duc d’Argyle (car pour rien au monde Davie Deans n’aurait voulu dire nommé[1] à la cure de la paroisse dans laquelle leur ferme était située), et il était probable qu’il serait très-agréable aux âmes chrétiennes, qui soupiraient après la manne spirituelle, ayant été nourries de la maigre substance que leur administrait M. Duncan Mac-Donought, le dernier ministre, qui commençait saintement sa journée, depuis le dimanche jusqu’au samedi, en buvant une mesure de scubac. « Je n’ai pas besoin de vous en dire beaucoup sur celui qui l’a remplacé, » dit Davie grimaçant encore, « car je crois que vous l’avez déjà vu ; et d’ailleurs le voilà qui vient à nous. »

Elle l’avait effectivement déjà vu, car ce ministre n’était autre que Reuben Butler lui-même.


CHAPITRE XLIII.

UN COUP D’ŒIL EN ARRIÈRE.


Tu ne reverras plus ta sœur : tu as reçu son dernier embrassement.
Élégie sur mistress Anne Killigrew.


Cette seconde surprise avait été ménagée à Jeanie Deans, et accomplie au moyen de la baguette du bienfaisant enchanteur dont le pouvoir avait transplanté son père du rocher de Saint-Léonard aux bords du Gare-Loch. Le duc d’Argyle n’était pas homme à oublier la dette de reconnaissance qui lui avait été léguée par son grand-père en faveur du petit-fils de Butler-Bible. Il avait intérieurement résolu de nommer Reuben Butler à la cure de Knocktarlity, dont le ministre venait de mourir. Son agent reçut donc les instructions nécessaires pour agir dans ce but, avec la condition pourtant que les connaissances et le caractère de M. Butler le rendraient digne de cet emploi. Les renseignements pris à ce sujet lui furent aussi favorables qu’ils l’avaient été à Davie Deans lui-même.

Le duc d’Argyle, par cette nomination, servit plus essentiellement encore les intérêts de sa protégée Jeanie qu’il ne l’imaginait

lui-même, puisque ce fut là ce qui contribua à détruire les

  1. Les presbytériens rigides ne reconnaissaient pas aux seigneurs le droit de nommer des ministres, qui, suivant eux, ne pouvaient être choisis que par le libre suffrage de leur congrégation. a. m.