Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/485

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l’héritier des Willingham l’audacieux, le criminel, le proscrit Robertson.

Elle jugea que probablement, après leur mariage, ils passeraient à l’étranger pendant quelques années et ne reparaîtraient en Angleterre que lorsque l’affaire Porteous serait complètement oubliée. Jeanie pouvait donc concevoir sur le sort futur de sa sœur une espérance que Butler et son père n’étaient pas dans le cas de partager ; car elle ne se croyait pas le droit de leur faire part du soulagement qu’elle éprouvait en songeant que sa sœur serait à l’abri du besoin et qu’il était peu probable qu’elle fût entraînée de nouveau dans la carrière du crime. Elle n’aurait pu leur donner cette satisfaction sans dévoiler ce qu’il était si essentiel au repos futur d’Effie de tenir caché, c’est-à-dire que George Staunton et George Robertson étaient une seule et même personne. Après tout, il était affreux de penser que sa sœur se fût unie à un homme condamné à mort pour vol à main armée, et exposé à être mis en jugement comme assassin, quels que fussent sa naissance et le degré de repentir qu’il pouvait éprouver. Il lui était en outre pénible de songer que ce terrible secret qu’elle se trouvait posséder ne permettrait jamais à la pauvre Effie de la revoir, autant par un sentiment de fierté que dans l’intérêt de la sûreté de son mari. Après avoir lu et relu la lettre et les derniers adieux de sa sœur, elle soulagea son cœur oppressé en versant un torrent de larmes que Butler s’efforça en vain d’arrêter par les plus tendres soins. Il fallut bien pourtant qu’elle s’essuyât les yeux et cherchât à se remettre, car son père, qui pensait avoir laissé aux amants assez de temps pour s’entretenir, revenait du château, accompagné du capitaine Knockdunder, ou, comme ses amis l’appelaient par abréviation, Duncan Knock, titre que quelques exploits de jeunesse justifiaient.

Ce Duncan de Knockdunder était un personnage de la première importance dans l’île de Roseneath et dans les paroisses dépendantes de Knocktarlity, Kilmin, etc., et son influence s’étendait même jusqu’à Corval, où cependant elle s’éclipsait devant celle d’un autre agent du duc. Les ruines de la tour de Knockdunder occupent encore un rocher suspendu sur le Holy-Loch. Duncan affirmait que c’était un ancien château royal : dans ce cas, c’eût été un des plus petits qui eussent jamais existé, car l’espace contenu dans l’intérieur n’était que de seize pieds carrés, proportion peu en harmonie avec l’épaisseur des murs, qui en avaient au