Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/506

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« Ne pensez pas mal de lui, « dit Effie en s’éloignant de son mari et s’écartant avec Jeanie d’un pas ou deux ; « ne pensez pas trop mal de lui… Il est bien bon pour moi, Jeanie, meilleur que je ne mérite, et il est déterminé à mener une vie régulière ; ainsi ne pleurez pas sur Effie, elle est plus heureuse qu’elle ne devait s’y attendre… Mais vous-même… comment pourrez-vous jouir d’autant de bonheur que vous en méritez ?… jamais, jusqu’à ce que vous montiez au ciel pour y prendre place au milieu des anges vos semblables… Jeanie, si je vis et si le sort m’est prospère, vous entendrez parler de moi, sinon oubliez qu’il a existé une créature qui n’est venue au monde que pour votre tourment… Adieu, adieu, adieu ! »

Effie, s’arrachant des bras de sa sœur, rejoignit son mari ; et tous deux s’enfoncèrent dans les bois où Jeanie les perdit de vue. Toute cette scène lui parut une vision, et elle aurait pu croire que c’en était une en effet si, après qu’ils l’eurent quittée, elle n’eût entendu le bruit des rames, et n’eût aperçu dans le détroit un esquif qui regagnait rapidement le petit lougre contrebandier qui était à l’ancre dans la rade. C’était à bord de ce bâtiment qu’Effie s’était embarquée à Porto-Bello, et d’après ce que Staunton venait de lui dire, Jeanie ne doutait pas que ce même lougre ne fût destiné à les transporter sur une terre étrangère.

Quoiqu’il fût difficile de dire si cette entrevue avait causé à Jeanie plus de peine que de plaisir, l’impression qui lui en resta était plus douce qu’amère… Effie était mariée ; suivant l’expression et l’opinion vulgaire, elle était redevenue une honnête femme… c’était un point important. Il paraissait aussi que son mari allait abandonner la carrière criminelle dans laquelle il s’était enfoncé en désespéré pendant si long-temps ; c’était encore un autre motif de tranquillité ; et quant à sa conversion complète et finale, il ne manquait pas de bon sens, et la miséricorde de Dieu était infinie.

Telles étaient les pensées à l’aide desquelles Jeanie cherchait à calmer les inquiétudes que lui inspirait le sort de sa sœur. En arrivant au château, elle trouva Archibald un peu alarmé de son absence et prêt à se mettre en route pour l’aller chercher. Un mal de tête lui servit d’excuse, et elle se hâta de se retirer dans sa chambre pour cacher à ses compagnons l’agitation visible de son esprit.

Par cette retraite, elle évita aussi une scène d’un autre genre ;