Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/576

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homme, avec des instructions sur les mesures à prendre pour adoucir ses mœurs, corriger ses mauvais penchants, et l’encourager à revenir au bien, si l’on en découvrait en lui la moindre trace. Mais ce secours arriva trop tard : le jeune homme s’était mis à la tête d’une conspiration qui avait fait périr son maître inhumain, et il s’était sauvé au milieu de la tribu la plus voisine d’Indiens sauvages. Depuis on n’en sut jamais aucune nouvelle ; on peut donc supposer qu’il vécut et mourut dans les mœurs de ces farouches peuplades auxquelles ses premières habitudes étaient bien faites pour l’assimiler.

Ayant perdu tout espoir de voir s’amender ce jeune homme, M. Butler et sa femme crurent qu’il ne pouvait résulter aucun bien de communiquer à lady Staunton une histoire si pleine d’horreurs. Elle passa auprès d’eux encore plus d’une année, et pendant la plus grande partie de ce temps sa douleur fut excessive. Vers les derniers mois, elle se changea en une espèce d’abattement et de langueur, que l’uniformité qui régnait dans le paisible ménage de sa sœur ne pouvait dissiper. Effie, dès sa première jeunesse, n’avait jamais recherché les modestes douceurs d’un sol obscur. Bien différente de sa sœur, elle avait besoin de la dissipation de la société pour distraire ses chagrins ou augmenter ses plaisirs. Elle quitta la retraite de Knocktarlity avec les larmes d’une tendresse sincère, et après avoir comblé ses habitants de tout ce qu’elle imaginait avoir quelque prix à leurs yeux. Enfin, lorsque la première douleur de cette séparation fut calmée, les deux sœurs, convaincues qu’elles n’étaient pas nées pour vivre ensemble, sentirent une espèce de soulagement.

La famille de Knocktarlity, au sein de sa paisible félicité, apprit que la belle et opulente lady Staunton avait reparu dans le monde. Ils en reçurent des preuves encore plus positives par une commission d’officier qui fut envoyée à Davie. Ce jeune homme, en qui l’esprit militaire de Butler-Bible paraissait revivre, justifia cette faveur par sa bonne conduite aux yeux de cinq cents jeunes montagnards de bonnes maisons, dont il avait excité l’envie, et qui furent étonnés de son rapide avancement. Reuben suivit la carrière du barreau, et y obtint des succès plus lents, mais plus durables. Euphémie Butler, dont la fortune, augmentée des dons de sa tante, se trouvait jointe à une beauté remarquable, devint un parti fort recherché ; elle épousa un laird montagnard, qui ne demanda jamais le nom de son grand-père, et dans cette occasion