Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/577

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elle fut comblée par lady Staunton de présents magnifiques, qui la rendirent un objet d’envie pour toutes les beautés des comtés d’Argyle et de Dumbarton.

Après avoir brillé pendant plus de dix ans dans le grand monde, cachant, comme tant d’autres, les chagrins de son cœur sous un visage riant ; après s’être constamment refusée à former de nouveaux liens, quoique les partis les plus considérables lui eussent été offerts, lady Staunton trahit l’état secret de son âme en se retirant sur le continent dans le couvent où elle avait reçu son éducation. Elle n’y prit jamais le voile, mais elle vécut et mourut dans une retraite rigoureuse, se livrant à toutes les pratiques, se soumettant à toutes les austérités de la religion catholique.

Jeanie avait trop de l’esprit qui avait animé son père pour ne point déplorer amèrement cette apostasie, et Butler se joignit à ses regrets. « Cependant il vaut mieux vivre dans une religion quelconque, dit-il, tout imparfaite qu’elle soit, que dans ce froid scepticisme ou dans le tourbillon des plaisirs mondains qui remplissent l’âme de vanité et y ferment tout accès aux pensées d’une autre vie. »

Quant à eux, toujours heureux l’un par l’autre, plaçant leur bonheur dans la prospérité de leur famille, dans l’amour et l’estime de ceux qui les entouraient, ils vécurent chéris et honorés, et moururent emportant tous les regrets.




AU LECTEUR.


Cette histoire n’aura pas été racontée sans fruit, si l’on y trouve un nouvel exemple de cette grande vérité, que le crime, à quelque rang supérieur qu’il puisse atteindre dans ce monde, ne donnera jamais le bonheur réel ; que les funestes conséquences de nos erreurs survivent long-temps à nos erreurs mêmes, et, comme l’ombre de ses victimes, s’attachent aux pas du malfaiteur ; enfin, que le sentier de la vertu, quoiqu’il soit rarement celui de la grandeur humaine, conduit toujours au repos et à la félicité.