Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/74

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matinée délivré de la crainte de mourir sur l’échafaud ; sa joie en était d’autant plus grande qu’il avait eu quelque raison de douter que le gouvernement voulût blesser l’opinion publique en lui accordant une protection si éclatante, après la condamnation solennelle prononcée contre lui pour le jury pour un crime si évident. Délivré de cet état d’anxiété, il avait le cœur plein de joie, et, selon les expressions énergiques de l’Écriture dans une occasion semblable, il pensait que sûrement l’amertume de la mort était passée. Mais plusieurs de ses amis, qui avaient observé l’air et la contenance de la multitude quand la nouvelle du sursis fut annoncée, pensaient différemment. Ils augurèrent de la tranquillité extraordinaire et du silence avec lequel la multitude avait reçu cette nouvelle désagréable, qu’elle nourrissait quelque projet pour une soudaine et violente vengeance. Ils engagèrent donc Porteous à demander sans délai aux autorités compétentes d’être transféré au château sous une escorte suffisante, pour y demeurer en sûreté jusqu’à ce que son sort ultérieur fût fixé. Habitué par sa place à faire trembler la populace de la ville, Porteous ne put imaginer qu’elle eût l’audace de venir attaquer une prison très-forte et très-facile à défendre : il ne tint aucun compte des avis qui auraient pu le sauver, employa même l’après-midi de cette grande journée à traiter quelques-uns de ses amis qui étaient venus le visiter dans la Tolbooth ; quelques-uns, par la tolérance du capitaine, avec lequel Porteous était lié d’ancienne date, à cause des rapports que leurs places respectives établissaient entre eux, obtinrent la permission de souper avec lui, quoique ce fût contraire au règlement.

Ce fut donc pendant que ce malheureux se livrait à la joie que lui inspirait une confiance peu fondée, pendant qu’au milieu des plaisirs du vin et de la bonne chère il oubliait son crime et ses nombreux péchés ; ce fut à ce moment que les premiers cris des insurgés vinrent se mêler aux chants joyeux et aux rires de l’intempérance. Le geôlier tout troublé entre dans la chambre, crie aux convives de se retirer sur-le-champ, et leur raconte à la hâte qu’une populace terrible et déterminée s’est rendue maîtresse des portes de la ville et du corps-de-garde. Telle fut la première explication donnée au capitaine et à ses amis, des clameurs effrayantes qu’ils entendaient.

Porteous aurait pu échapper à la rage du peuple, contre laquelle l’autorité ne pouvait le protéger, s’il eût pensé à prendre