Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 26, 1838.djvu/95

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nouveau sujet d’étude. Mais il est devenu, m’a-t-on dit, tout à fait impraticable, et cette négligence, si elle est vraie, prouve bien peu en faveur du goût de la bonne ville ou de ses administrateurs[1].

Ce fut de ce sentier ravissant, que je n’ai pu me rappeler sans interrompre mon récit pour en donner la description, car il fut souvent le témoin de mes délicieuses rêveries quand, jeune encore, je faisais le rêve du bonheur ; ce fut, dis-je, de ce sentier romantique que Butler vit poindre l’aurore du jour qui suivit le meurtre de Porteous. Il lui eût été facile de trouver un chemin beaucoup plus court pour se rendre à la maison vers laquelle il se dirigeait, et, de fait, celui qu’il avait choisi faisait de grands détours ; mais, afin d’avoir le temps de se remettre des émotions qu’il venait d’éprouver, aussi bien que pour attendre l’heure où il pourrait se présenter sans causer ni trouble ni surprise, il s’était déterminé à suivre une route plus longue, en passant au bas des rochers. Tandis que Butler, tantôt debout et les bras croisés, suit de l’œil les lents progrès du soleil au-dessus de l’horizon ; tantôt, assis sur un des nombreux fragments que la tempête a détachés des rochers qui s’élèvent sur sa tête, réfléchit tour à tour sur l’horrible catastrophe dont il vient d’être témoin, et sur les tristes nouvelles, pour lui pleines d’intérêt, qu’il a apprises chez l’infatigable Saddletree, nous ferons savoir au lecteur quel était ce Butler, et comment son destin était lié à celui d’Effie Deans, la malheureuse servante de mistress Saddletree.

Reuben Butler était d’origine anglaise, quoique né en Écosse. Son grand-père, soldat dans l’armée de Monk, faisait partie du corps de dragons à pied qui prit d’assaut la ville de Dundee, en 1651. Stephen Butler que son talent pour lire et pour commenter le texte sacré fit surnommer Stephen-l’Écriture et Butler-Bible, était un véritable indépendant, et prenait dans son sens le plus étendu la promesse faite aux saints qu’ils hériteraient de la terre. Mais, comme jusque là il n’avait guère reçu que de bons horions dans le partage de cette propriété commune, il ne manqua pas, après la prise et dans le pillage d’une ville commerçante, l’occasion de s’approprier une aussi large part des biens de ce monde qu’il lui fut possible de se la faire. Il paraît qu’il y avait passablement

  1. On a construit depuis quelques années un beau et solide sentier au milieu de ces rochers romantiques ; et l’auteur se flatte que ce passage de son livre aura donné l’idée de cet établissement.