Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/66

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rangé parmi les joueurs. On peut même tenir pour certain que, loin d’avoir le désir d’insister sur une prétention qui aurait poussé tous les compétiteurs à s’unir contre lui, il n’épargna aucune ruse pour embrouiller l’affaire en multipliant le plus possible le nombre des prétendants et en les irritant les uns contre les autres.

Les candidats, convoqués à cet effet, reconnurent solennellement le droit d’Édouard comme seigneur suzerain, et convinrent de se soumettre à sa décision. Par la suite, nous tâcherons d’expliquer pourquoi ces nobles Normands se prêtèrent sans trop de mauvaise grâce à une soumission que, comme enfants du sol, ils auraient vraisemblablement rejetée. On livra les châteaux et forteresses du royaume au pouvoir du roi d’Angleterre, sous prétexte de lui donner les moyens de faire exécuter le jugement qu’il prononcerait. Quand ces préliminaires eurent duré plusieurs mois, pour que les Écossais s’accoutumassent à voir gouverneurs anglais et garnisons anglaises dans leurs places, et que de continuelles discordes, qui devaient devenir plus nombreuses et plus envenimées à proportion que le débat pendant se prolongerait, missent la nation hors d’état de résister à l’autorité étrangère, Édouard Ier appela Jean Baliol à la couronne écossaise, qui dorénavant devait relever de lui et de ses successeurs, et rendit à ce nouveau roi les châteaux écossais au nombre de vingt qu’il avait eus en sa possession.

La conduite d’Édouard avait jusqu’alors été passablement égoïste, mais non peut-être au-delà de ce que bien des personnes se permettraient de regarder comme juste. Le titre qu’il se prétendait à la suzeraineté, tout mal fondé qu’il fût, n’était pas de son invention, mais lui avait été transmis comme un droit que ses ancêtres avaient réclamé de temps immémorial, et arrivant une époque où les Écossais eux-mêmes furent contraints de le reconnaître, beaucoup de souverains eussent pensé qu’il ne fallait pas sacrifier une chance pareille à de stériles considérations d’abstraite justice.

Mais il fut bientôt évident que la reconnaissance de la suprématie n’était pas le seul but d’Édouard, et qu’il se proposait aussi d’user de son droit sur Baliol, de manière que lui ou l’Écosse se vissent obligés à une rébellion et donnassent à leur seigneur suzerain un prétexte de s’emparer du fief rebelle. Pour y parvenir, le roi d’Angleterre encouragea de vexatoires procès contre Baliol,