Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 27, 1838.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le roi d’Angleterre tint à Berwick un parlement où il reçut la soumission volontaire et empressée de tous les Écossais des plus hauts rangs. — Seigneurs, chevaliers, écuyers, Édouard les accueillit tous gracieusement et prit d’utiles mesures pour assurer sa conquête. Il nomma Jean Warenne, comte de Surrey, gouverneur de l’Écosse. Hugues Cressingham, prélat ambitieux, fut fait trésorier-général, et Guillaume Ormesby grand-justicier du royaume. Il plaça des commandants anglais dans toutes les forteresses, y laissa des garnisons à lui, et regagna l’Angleterre après avoir conquis l’Écosse, non seulement sans peine, mais encore, à ce qu’il semblait, d’une manière durable.

Ce ne fut pas tout : Édouard résolut de profiter de sa conquête pour détruire tout indice d’indépendance nationale. Il emporta hors du pays ou mutila tous les documents de nature à rappeler que l’Écosse eût jamais été libre. Les archives de l’Écosse, l’endroit où depuis Kenneth Macalpin, les monarques écossais avaient été toujours couronnés, furent fouillées avec soin, on en détruisit toute pièce qui se trouvât contredire les prétentions d’Édouard. Les historiens écossais ont peut-être exagéré l’importance de ces rapines ; mais il n’en est pas moins prouvé qu’Édouard fut jaloux de faire disparaître tout ce qui pouvait éveiller en Écosse le souvenir d’une indépendance primitive, car il emporta à Londres, non seulement la couronne et le sceptre que remit Baliol, mais même la pierre enchantée sur laquelle les rois se plaçaient pour recevoir l’inauguration royale, trophées dont il fit hommage à l’abbaye de Westminster[1] .

  1. La vertu que possédait la fameuse pierre de Scone dont nous avons rapporté l’origine plus haut, est indiquée dans les deux célèbres vers léonins qui suivent :
    Ni fallat fatum, Scoti, quocumque locatam
    Invenient lapidem, regnare tenentur ibidem.

    Et dont voici à peu près le sens :

    Si le destin n’est pas trompeur,
    Il faudra de toute manière
    Que l’Écossais règne vainqueur,
    Aux lieux où sera cette pierre.

    Il y eut des Écossais qui s’obstinèrent à voir l’accomplissement de cette prophétie dans l’accession de Jacques VI au trône d’Angleterre, et qui firent remarquer avec orgueil que la conduite d’Édouard, lorsqu’il avait enlevé à l’Écosse son palladium, avait ressemblé à celle des Troyens lorsqu’ils eurent amené en triomphe au sein de leurs murailles ce cheval de bois des Grecs qui occasiona la destruction de leur royale famille, la pierre en question, qui existe encore, et qui forme le soutien du siège du trône du roi Édouard-le-Confesseur, que le souverain d’Angleterre occupe lors de son couronnement, est en elle-même, à part la prédiction qui a été si longue à s’accomplir, une très curieuse relique d’une très haute antiquité. w. s.