Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/137

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sort, » dit Ermengarde avec mystère : « celles qui nous sont unies par le sang ont en quelque sorte le privilège de pénétrer au-delà du présent, et de voir les épines ou les fleurs qui doivent un jour couronner leur tête.

— Dans mon intérêt, ma tante, répondit Éveline, je refuserais ce privilège, quand même je pourrais l’acquérir sans transgresser les règles de l’Église ; si j’avais pu prévoir ce qui m’est arrivé pendant les jours funestes qui viennent de s’écouler, il m’aurait été impossible d’avoir un seul moment de bonheur jusqu’à cette époque.

— Néanmoins, ma fille, dit la dame de Baldringham, tu dois, comme toutes celles de ta race qui sont entrées dans cette maison, te conformer à la coutume de passer une nuit dans la chambre au doigt sanglant… Berwine, faites-la préparer pour ma nièce.

— Je… j’ai entendu parler de cette chambre, ma noble tante, » dit Éveline timidement ; « et, si tel est votre bon plaisir, je préfère ne pas y passer la nuit. Ma santé a beaucoup souffert de tant de dangers et de fatigues récentes, et, avec votre permission, je remettrai à un autre temps une coutume qu’on m’a dit être particulière aux filles de la maison de Baldringham.

— Et que cependant vous seriez bien aise d’éviter, » dit la vieille dame saxonne, fronçant le sourcil d’un air de courroux ; « une telle désobéissance n’a-t-elle pas déjà assez coûté à votre maison ?

— En vérité, mon honorée et gracieuse maîtresse, » dit Berwine, qui ne put s’empêcher d’intervenir, bien que connaissant toute l’obstination de sa maîtresse. « Il est presque impossible de mettre cette chambre en état de recevoir lady Éveline, et la noble demoiselle est si pâle, et a tant souffert depuis peu, que si vous daigniez me permettre de dire mon avis, je vous engagerais à remettre cette épreuve à un autre temps.

— Tu es une folle, Berwine, » dit la vieille dame d’un ton sévère ; « penses-tu que j’attirerai sur ma maison malheur et vengeance en permettant à cette jeune fille d’en partir sans avoir rendu l’hommage ordinaire au doigt sanglant. Allez, faites préparer la chambre… De si grands préparatifs ne sont pas nécessaires, si elle n’est pas aussi délicate que les Normands en fait de leur coucher et de leurs appartements… Ne réplique pas, mais fais ce que je t’ordonne… Et vous, Éveline, êtes-vous assez dégénérée de l’esprit courageux qui animait vos ancêtres, pour ne pas oser passer quelques heures dans un ancien appartement ?

— Vous êtes mon hôtesse, noble dame, dit Éveline, et c’est à