Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/152

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tu l’as dit avec vérité : les Saxons sont encore à moitié païens ; ils sont aussi étrangers aux vertus du christianisme qu’à la civilisation et à l’humanité.

— C’est vrai, dit Rose ; mais ce que je disais alors n’était que pour vous empêcher de vous exposer à un danger ; maintenant que ce danger est passé et loin de nous, j’en puis juger différemment.

— Ne parlez pas en leur faveur, Rose, » reprit Éveline irritée ; « jamais victime innocente ne fut offerte à l’autel d’un démon avec plus d’indifférence que cette parente de mon père n’en a montré en me sacrifiant, moi, orpheline, privée de mon appui naturel, de mon puissant protecteur ; je hais sa cruauté, je hais sa maison, je hais la pensée de tout ce qui m’est arrivé ici, de tout, Rose, excepté de ton incomparable fidélité, de ton courageux attachement. Va, ordonne à notre suite de monter sur-le-champ à cheval ; je veux partir à l’instant… Je ne veux pas m’habiller, » continua-t-elle, repoussant les soins que ses femmes voulaient donner à sa toilette, et qu’elle-même avait d’abord demandés… « cette cérémonie est inutile ; je ne m’arrêterai pas pour lui dire adieu. »

Au ton brusque et agité de sa maîtresse, Rose reconnut avec inquiétude un nouveau trait de son humeur irritable qui s’était d’abord exhalée en larmes et en crises nerveuses. Mais voyant que toute remontrance était inutile, elle donna les ordres nécessaires pour rassembler la suite, faire seller les chevaux et se préparer au départ, espérant qu’en s’éloignant du lieu où elle venait de recevoir un choc aussi terrible, Éveline reprendrait par degré son égalité ordinaire. En conséquence Gillian se mit à arranger les paquets de sa maîtresse, et tout le reste de la suite d’Éveline se prépara à un départ immédiat ; tout à coup, précédée de son intendant qui remplissait en quelque sorte les fonctions d’huissier de la chambre, appuyée sur sa confidente Berwine, et suivie de deux ou trois personnes des plus distinguées de sa maison, le mécontentement peint sur son front ridé mais encore majestueux, Ermengarde entra dans l’appartement.

Éveline, la main tremblante et mal assurée, les joues enflammées, et donnant d’autres signes d’agitation, faisait quelques paquets, quand sa parente entra dans l’appartement ; tout d’un coup, à la grande surprise de Rose, elle fit un violent effort sur elle-même, et réprimant son trouble, elle s’avança vers la dame