Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/151

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dure aurait pitié de ma jeunesse, de mes malheurs récents, de mon état d’orpheline ! N’importe, je ne lui accorderai pas ce misérable triomphe sur le sang normand des Berenger ; je ne lui montrerai pas combien son inhumanité m’a fait souffrir. Mais, Rose, répondez-moi sans déguisement : quelque habitant de Baldringham a-t-il été témoin cette nuit de ma détresse ? »

Rose l’assura qu’elle avait été soignée exclusivement par ses propres femmes, c’est-à-dire, elle-même, Gillian, Blanche et Ternotte. Elle parut satisfaite de cette assurance. « Écoutez-moi toutes deux, dit-elle, et obéissez exactement à mes ordres, si vous m’aimez ou si vous me craignez. Ne dites pas un mot de ce qui s’est passé cette nuit : faites la même recommandation à mes deux autres femmes. Gillian et toi, ma chère Rose, aidez-moi à changer ces vêtements en désordre et à rajuster mes cheveux épars. C’est une pitoyable vengeance qu’elle a voulu exercer, parce que j’appartiens au sang normand : mais j’ai résolu de ne pas lui laisser apercevoir la plus légère trace des souffrances qu’elle m’a occasionnées. »

En parlant ainsi, ses yeux étincelaient d’une indignation qui sécha les larmes qui les remplissaient un moment auparavant. Rose vit ce changement avec un mélange de plaisir et de regret ; car elle y reconnut le faible dominant de sa maîtresse, qui, comme un enfant gâté accoutumé à la tendresse, à l’indulgence et à la soumission de tous ceux qui l’entouraient, ne savait pas supporter la contradiction, et s’irritait à la seule pensée qu’on pût lui manquer d’égards.

« Dieu sait, s’écria la fidèle suivante, que j’aimerais mieux étendre la main pour recevoir des gouttes de plomb fondu que de voir couler vos larmes, et cependant, ma chère maîtresse, je préférerais que vous fussiez à présent affligée plutôt qu’irritée. Cette vieille dame, à ce qu’il me semble, n’a agi que d’après quelques coutumes superstitieuses de sa famille, qui est en partie la vôtre. Son nom est respectable tant par son caractère que par ses biens ; et, persécutée comme vous l’êtes par ces Normands dont l’abbesse, votre parente, ne manquera pas de prendre le parti, j’avais espéré que vous auriez pu trouver asile et protection auprès de la dame de Baldringham.

— Jamais, Rose, jamais ! répondit Éveline. Vous ne savez pas, vous ne pouvez deviner ce qu’elle m’a fait souffrir en m’exposant au pouvoir de la magie et des démons. Tu l’as dit toi-même, et