Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/276

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fester. « Milady, noble milady, » dit-il en ployant précipitamment le genou devant Éveline, « sauvez mon cher maître ! vous, vous seule, pouvez le sauver dans cette extrémité.

— Moi ! dit Éveline avec étonnement, moi, le sauver ! et de quel danger ? Dieu sait avec quel empressement !…

Elle s’arrêta tout court comme si elle eût craint que ses lèvres exprimassent sa pensée.

« Guy Monthermer, madame, est à la porte avec un poursuivant et la bannière royale. L’ennemi héréditaire de la maison de Lacy, ainsi accompagné, ne vient pas pour faire du bien. J’ignore quels malheurs il vient nous annoncer, mais pour sûr ce sont des malheurs qu’il va nous présager. Mon maître tua son neveu au champ de Malpas, et par conséquent… » Ici il fut interrompu par une autre fanfare de trompettes, qui retentit avec une vive impatience sous les voûtes de l’ancienne forteresse.

Lady Éveline courut à la porte, et trouva les soldats se regardant avec des visages craintifs et alarmés ; ils tournèrent leurs yeux sur elle, comme pour y chercher des consolations et un courage qu’ils ne pouvaient pas se communiquer. En dehors, à cheval et en armure complète, on voyait un chevalier âgé et d’un extérieur majestueux, dont la visière levée et le castor abaissé montraient une barbe déjà grise. Auprès de lui était un poursuivant d’armes à cheval ; l’écusson royal était brodé sur son habit d’office héraldique : il paraissait mécontent de voir son importance méconnue, et un air hautain était empreint sur son visage ombragé par son casque et sa triple plume. Ils étaient suivis d’environ cinquante soldats rangés sous la bannière d’Angleterre.

Quand lady Éveline parut, le chevalier, après un léger salut, qui semblait accordé plutôt par une stricte courtoisie de forme que par bonté, demanda s’il voyait devant lui la fille de Raymond Berenger. « Et c’est, » continua-t-il, quand il eut reçu une réponse affirmative, « devant le château de ce serviteur choisi et favorisé de la maison d’Anjou que les trompettes du roi Henri ont sonné trois fois, sans faire obtenir d’admission à ceux qui sont honorés des ordres de leur souverain ?

— Ma position, reprit Éveline, doit faire excuser celle précaution. Je suis une jeune fille solitaire, habitant une forteresse sur les frontières ; je ne puis admettre personne sans connaître ses intentions, et sans être assurée que son entrée s’accorde avec la sûreté de la place et mon propre honneur.