Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/275

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pas compris ainsi un engagement qui a été sanctionné par la providence spéciale de Notre-Dame de Garde-Douloureuse.

— Ce sentiment est digne de vous, ma chère maîtresse, répondit Rose ; néanmoins vous êtes si jeune, si entourée de dangers, si exposée à la calomnie, que moi, du moins, je considère l’instant où vous aurez un compagnon légal et un protecteur, comme le moyen de sortir d’une position douteuse et périlleuse.

— N’y pensez pas, Rose, reprit Éveline ; ne comparez pas votre maîtresse à ces femmes prévoyantes qui, tandis que leur époux existe encore, quoique âgé et infirme, s’occupent prudemment d’en chercher un autre.

— C’est assez, ma chère maîtresse, dit Rose ; cependant, permettez-moi encore un mot. Puisque vous êtes décidée à ne pas profiter de votre liberté, même quand l’époque fatale de votre engagement serait expirée, pourquoi souffrez-vous que ce jeune homme partage notre solitude ? Sa santé est maintenant assez bonne pour permettre de le transporter dans quelque autre lieu de sûreté. Reprenons notre premier genre de vie, jusqu’à ce que la Providence nous offre une perspective meilleure et plus sûre. »

Éveline soupira, baissa les yeux, puis les releva ; et elle allait parler pour exprimer qu’elle adhérerait à un arrangement si raisonnable, sans les blessures récentes de Damien, et le trouble du pays, quand elle fut interrompue par le son aigu de trompettes qui sonnaient devant la porte du château ; et Raoul, l’inquiétude peinte sur la figure, vint en boitant apprendre à sa maîtresse qu’un chevalier, suivi d’un poursuivant d’armes, en livrée royale, avec une forte garde, était devant le château, et demandait à entrer au nom du roi.

Après un moment de réflexion, Éveline répondit : « Ce ne sera pas même à l’ordre du roi que s’ouvrira le château de mes ancêtres, à moins que nous ne soyons sûrs de la personne qui le demande et de ses intentions. Nous irons nous-mêmes à la porte, et nous apprendrons ce que signifie cet appel. Mon voile, Rose, et rassemblez mes femmes. Encore le son de ces trompettes ! Hélas ! elles retentissent comme un signal de mort et de destruction ! »

Les craintes prophétiques d’Éveline n’étaient pas sans fondement ; car à peine fut-elle sortie de l’appartement, qu’elle rencontra le page Amelot avec un air de désordre et d’effroi qu’un aspirant à la chevalerie pouvait à peine se permettre de mani-