Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/116

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par l’arrivée du baron de Bradwardine en personne, qui, sur l’avis de Davie Gellatley, tout rempli de pensées hospitalières, accourait avec une vitesse qui rappelait à Waverley les bottes de sept lieues du conte de sa nourrice. C’était un homme grand, maigre, à formes athlétiques, d’un certain âge, et à cheveux gris, mais dont un exercice continuel avait conservé les muscles aussi souples qu’un fouet.

Il était habillé négligemment, et plutôt comme un Français que comme un Anglais de ce temps. Avec ses traits rudes et sa taille droite, on eût cru voir en lui un officier des gardes suisses qui avait passé quelque temps à Paris, et en avait rapporté le costume et non l’aisance de ses habitans. Le fait est que son langage et ses manières étaient aussi étranges que son extérieur.

D’après les dispositions qu’on lui avait trouvées pour l’étude, ou peut-être par suite du genre d’éducation adopté en Écosse pour les jeunes gens de qualité, on lui avait donné les connaissances nécessaires au barreau. Mais les principes politiques de ses parents lui ayant ôté l’espoir de s’élever dans cette carrière, M. Bradwardine avait voyagé pendant quelques années, et avait même fait avec éclat quelques campagnes au service étranger. Depuis son procès de 1715, où il avait été accusé de haute trahison, il avait vécu dans la retraite, n’ayant d’autre société que les gentilshommes de son voisinage qui pensaient comme lui. Le mélange qui existait chez M. Bradwardine, de la pédanterie du légiste et de l’orgueil du soldat, pourra rappeler aux membres zélés de notre garde volontaire actuelle[1] le temps où nos avocats portaient à la fois la robe du palais et l’uniforme militaire. Nous devons ajouter à cela les opinions politiques d’une ancienne famille de jacobites, fortifiées par l’habitude de la solitude et par l’exercice, dans toute l’étendue des domaines à moitié cultivés, d’une autorité incontestable et incontestée. Car, comme il ne manquait pas de le répéter souvent, les terres de Bradwardine, de Tully-Veolan et autres, avaient été érigées en baronnies franches par une charte de David Ier cum liberali potestate hahendi curias et justifias, cum fossâ et furcâ[2], et saka et soka, et thot et theam et infangthief, et outfangthief, sive hand habend, sive bak-barand :

  1. Il faut se rappeler que ceci a été écrit au moment où les Anglais craignaient une descente de la part des Français. a. m.
  2. Avec le droit de haute et basse justice, de geôle, de pilori et de fourche ou gibet. a. m.