Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 5, 1838.djvu/24

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incognito. Il avait défié le public de le reconnaître[1] ; mais il fut découvert dans sa retraite, et dut alors encourir la honte de cette surprise.

À cette époque divers bruits circulèrent : quelques-uns étaient fondés sur un récit inexact de ce qui pouvait avoir été réel en partie ; d’autres sur des circonstances qui n’avaient aucun rapport avec le sujet ; d’autres enfin avaient été inventés par quelques personnes importunes qui crurent peut-être que le moyen le plus expéditif de forcer l’auteur à se découvrir, était d’attribuer son silence à quelque cause honteuse et peu honorable.

On suppose bien que cette espèce d’inquisition fut traitée avec mépris par celui qu’elle concernait particulièrement ; cependant au nombre des bruits qui coururent, il y en eut un qui, quoique aussi peu fondé que les autres, approchait néanmoins de la probabilité, et aurait pu même devenir véritable sous quelques rapports.

Je fais allusion ici au bruit qui attribuait une grande partie, ou la totalité de ces romans, à feu Thomas Scott, officier du 70e régiment, alors au Canada. Ceux qui se rappellent ce personnage conviendront qu’à un talent qui égalait au moins celui de son frère aîné, il joignait une humeur sociable et enjouée, et une profonde connaissance du cœur humain, qualités qui faisaient de lui un homme charmant, recherché par la société. Il ne lui manquait que l’habitude de la composition, pour devenir également célèbre comme écrivain. L’auteur de Waverley était tellement persuadé de la vérité de ce qu’il avance à cet égard, qu’il pressa vivement son frère de faire une tentative, prenant sur lui tout l’embarras que pourraient donner la correction et l’impression de l’ouvrage. Thomas Scott parut d’abord bien disposé à accepter la proposition ; il s’était même arrêté sur un sujet, et avait fait le choix d’un héros. Ce héros était une personne connue de mon frère et de moi depuis les premières années de notre enfance, et qui avait déployé quelques beaux traits de caractère. Thomas Scott voulait représenter ce jeune homme comme émigrant en Amérique, et supportant les dangers et les fatigues du Nouveau-Monde avec ce courage intrépide qu’il avait déployé, étant enfant, sur le sol de sa patrie. Mon frère eût sans doute obtenu un succès complet ; car il connaissait à fond les mœurs des Indiens, celles des vieux colons français du Canada et des Brûlés ou hom-

  1. Le texte dit : to a game of bo-peep, au jeu de la prunelle. a. m.