Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/137

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Ellangowan dont j’ai les oreilles rebattues. Il paraît espérer que ce domaine ne tardera pas à être remis en vente. Je ne ferai partir cette lettre que lorsque je connaîtrai ses intentions d’une manière positive.

« Je viens d’avoir une entrevue avec mon père ; il ne m’a dit que ce qu’il voulait bien que je susse. Ce matin, après le déjeuner, il m’a priée de passer avec lui dans la bibliothèque. Mathilde, mes genoux tremblaient sous moi, et je n’exagère pas en disant que j’eus de la peine à le suivre. Je ne sais ce que je craignais ; mais depuis mon enfance je suis habituée à voir tout ce qui l’entoure trembler au froncement de son sourcil. Il me dit de m’asseoir, et jamais je n’ai obéi de si bon cœur, car, en vérité, je ne pouvais plus me soutenir. Il continua à marcher en long et en large dans la chambre. Vous avez vu mon père, et vous avez remarqué sans doute combien ses traits sont expressifs : ses yeux sont naturellement brillants, mais l’agitation ou la colère leur font jeter un feu sombre et perçant. Il a aussi l’habitude de mordre ses lèvres, ce qui marque un combat entre l’emportement naturel de son caractère et l’empire qu’il s’efforce d’exercer sur lui-même. C’était la première fois que nous nous trouvions seuls depuis son retour en Écosse ; et comme il laissait échapper des signes d’agitation intérieure, j’eus quelque soupçon qu’il allait entamer le sujet que je redoutais le plus.

« Combien je me sentis soulagée quand je vis que je m’étais trompée ! Il paraît qu’il n’est pas instruit des découvertes ou des soupçons de M. Mervyn, ou qu’il ne veut pas entrer en explication avec moi sur ce sujet. Je ne peux vous dépeindre mon contentement, quoique, d’après les rapports qu’on lui a faits ou qu’on lui fera sans doute, il puisse me croire plus coupable que je ne le suis. Néanmoins je n’eus pas le courage de provoquer moi-même l’explication, et je restai dans le silence en attendant ses ordres.

« Julia, me dit-il, mon homme d’affaires m’écrit d’Écosse qu’il a loué pour moi une habitation bien meublée avec tout ce qui peut être nécessaire à notre usage ; elle est à trois milles du domaine que je voulais acheter. » Et il s’arrêta, semblant attendre une réponse.

« Partout où vous vous plairez, mon père, je suis sûre d’être heureuse moi-même. — Fort bien ; mais j’ai aussi le projet de vous y donner une société pour cet hiver. »

« Je pensai à M. Mervyn et à son aimable épouse. « La compagnie que vous me choisirez me sera toujours agréable, mon père, répondis-je à voix basse. — Oh ! c’est par trop de soumission ! Elle