Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/172

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qu’avez-vous donc tous deux ? » Ils venaient d’entrer dans un petit parloir, et la lumière faisait apercevoir les traces du sang qui avait coulé de la blessure de la tête de Dinmont, et arrosé les vêtements de son compagnon aussi bien que les siens. « Dandie, vous vous êtes encore battu avec quelque maquignon de Bewcastle ! Un homme marié, un homme qui a une famille, devrait mieux connaître le prix de la vie d’un père. » Et en parlant ainsi, la bonne Ailie avait les larmes aux yeux.

« Bah, bah ! bonne femme, » dit son mari en lui donnant un baiser où il entrait plus d’affection que de cérémonie, « ne croyez pas cela, non, ne croyez pas cela ; voici un gentleman qui vous dira comment j’étais entré chez Lourie Lowther, où j’avais bu deux ou trois coups, et comment, après en être sorti, j’entrais dans la bruyère, me hâtant de revenir à la maison, quand deux coquins sortant d’un taillis s’élancèrent sur moi sans que je m’y attendisse, me renversèrent de cheval, et me portèrent à la tête un coup qui me fit perdre connaissance, avant même que je pusse leur promener mon fouet sur les oreilles. Et en vérité, ma bonne Ailie, si cet honnête gentleman n’était survenu, j’aurais reçu plus de coups que je n’aurais voulu, et perdu plus d’argent que je ne pourrais en épargner. Ainsi, après Dieu, c’est à lui que vous devez des remercîments. » À ces mots il tira de sa poche de côté un large portefeuille en cuir bien gras, et dit à sa femme de le serrer dans son coffre.

« Dieu le bénisse ! oui, Dieu le bénisse ! je le souhaite de tout mon cœur ; mais que pouvons-nous faire pour lui, si ce n’est de lui donner la table et le logement que nous ne refusons pas même au plus misérable mendiant ? Mais peut-être… (et ici son œil se porta sur le portefeuille, mais avec une expression qui marquait toute la délicatesse de sa proposition), mais peut-être y aurait-il quelque autre moyen… » Brown comprit parfaitement le mélange de simplicité et de générosité reconnaissante que renfermaient ces paroles pleines de délicatesse ; il sentit d’ailleurs que l’extrême simplicité de son vêtement, qui, quoique en bon état, était maintenant déchiré et souillé de sang, pouvait le faire envisager comme un objet de pitié et peut-être de charité. Il se hâta de dire qu’il s’appelait Brown, qu’il était capitaine dans le… régiment de cavalerie, qu’il voyageait à pied pour son plaisir, et par motif d’économie autant que pour avoir plus de liberté ; enfin il pria la bonne fermière de visiter les blessures de son mari, que celui-ci n’avait pas voulu lui