Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/333

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posant véridique l’avis donné à Dinmont, il avait à craindre un danger plus réel et plus imminent que celui qui pouvait résulter de quelques jours de prison. En même temps il n’était pas moins manifeste que quelque ami inconnu travaillait pour lui. « Ne m’avez-vous pas dit, demanda-t-il à Dinmont, que ce Gabriel était de race égyptienne ? — On l’a toujours cru, répondit le fermier, et je crois qu’on n’a pas tort, car ces gens-là savent toujours où trouver le monde, et quand ils le veulent, ils peuvent lancer une nouvelle d’un bout du pays à l’autre comme on lance une balle. Mais j’oubliais de vous dire, on fait de sévères perquisitions contre la vieille femme que nous avons vue à Bewcastle. Le shérif a posté ses hommes en haut de Limestane, en bas de l’ermitage et à Liddel ; de tous côtés enfin. On lui offre une récompense de cinquante livres, rien de moins, si elle veut se montrer. Le juge de paix Forster, dans le Cumberland, a lancé un mandat d’arrêt contre elle, à ce qu’on m’a dit ; ses espions la cherchent partout et peuvent même visiter les maisons. Mais malgré tout, ils ne l’auront que si elle veut se laisser prendre. — Et pourquoi ces perquisitions ? — Ma foi, je n’en sais rien ; j’ose dire que c’est une sottise ; mais on prétend qu’elle a ramassé de la graine de fougère, et qu’elle peut se transporter partout où elle veut, comme Jacques le tueur de géants dans la ballade, avec son habit qui le rend invisible et ses bottes de sept lieues[1] : au reste, elle est comme la reine de tous les Égyptiens ; elle a, dit-on, plus de cent ans, et on croit qu’elle est venue dans ce pays avec ces bandes qui l’inondèrent à l’époque de la chute des Stuarts. Si elle ne peut pas se cacher elle-même, elle connaît des gens qui la cacheront bien, vous pouvez en être sûr. Ah ! si j’avais su que c’était Meg Merrilies quand je l’ai trouvée chez Tibb Mumps, j’aurais eu soin de lui parler plus poliment. »

Bertram écouta avec beaucoup d’attention ce récit dont plusieurs circonstances cadraient si bien avec ce qu’il avait vu lui-même de cette sibylle égyptienne ; après un moment de réflexion, il pensa qu’il pouvait, sans violer sa parole, révéler ce qu’il avait vu à Derncleugh à une personne qui paraissait avoir de la vieille Meg une opinion toute particulière. Il conta donc toute cette histoire au bon fermier, qui l’interrompit souvent par ces exclamations : « Eh bien, trouvez donc sa pareille !… — Du diable s’il n’y a rien là-dessous ! » et qui, après l’avoir entendue d’un bout à l’autre, dit en secouant sa grosse tête noire : « Oui, je soutiendrai qu’il y a du

  1. En français dans le texte.