Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/375

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son, jamais je n’ai exposé mes jambes, ni les tiennes à plus forte raison, à un tel péril. — Sur ma parole, c’est intolérable. Dominie, si vous prononcez encore une parole sans ma permission, je lirai trois versets du livre de la magie noire, je ferai tourner ma canne trois fois autour de ma tête, et vous verrez l’ouvrage magique de cette nuit s’évanouir, et Henri Bertram redevenir Van Beest Brown. — Digne et estimable monsieur, répliqua Dominie, je vous demande humblement pardon. Ce n’était que verbum volans[1]. — Eh bien ! volens, nolens[2], retenez votre langue. — Gardez le silence, je vous en prie, monsieur Sampson, ajouta le colonel ; il importe beaucoup aux intérêts de l’ami que vous venez de retrouver que vous laissiez M. Pleydell continuer ses informations. — Je suis muet, dit Sampson confus. — Tout-à-coup, continua Bertram, deux ou trois hommes s’élancèrent sur nous, et nous renversèrent de cheval. Je me rappelle peu de chose après cela, si ce n’est que je tâchai de me sauver, pendant un combat acharné, et que je tombai dans les mains d’une vieille femme, très grande, qui sortait de dessous les buissons, et qui me protégea quelque temps… Tout le reste n’est que confusion et effroi… un souvenir affreux du bord de la mer, d’une caverne, de quelque breuvage enivrant qui me fit dormir plusieurs heures de suite. Ma mémoire ne me retrace plus rien de distinct jusqu’au moment où je me vois mousse, maltraité, mal nourri à bord d’un vaisseau marchand ; puis ensuite, écolier en Hollande, sous la protection d’un vieux négociant qui avait pris de l’amitié pour moi. — Et que vous dit de votre famille votre protecteur ? — Très peu de chose, et avec défense de lui en demander davantage. Il me donna à entendre que mon père prenait part à la contrebande qui se fait sur la côte orientale de l’Écosse, et qu’il avait été tué dans une escarmouche avec les officiers de la douane ; que ses correspondants hollandais avaient un vaisseau sur la côte ; qu’une partie de l’équipage s’était trouvée engagée dans ce combat, et qu’ils m’avaient ramené à bord avec eux, par compassion, me voyant privé d’appui par la mort de mon père. Quand je devins grand, beaucoup de choses, dans cette histoire, me parurent inconciliables avec mes souvenirs ; mais que pouvais-je faire ? je n’avais pas le moyen d’éclaircir mes doutes, ni un ami à qui je pusse les communiquer, afin qu’il m’aidât de ses conseils. Le reste de mon histoire est connu du colonel Mannering ; j’allai dans les Indes pour être commis dans une maison hollan-

  1. Une parole en l’air. a. m.
  2. Bon gré, mal gré. a. m.