Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 6, 1838.djvu/88

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rencontré dans le bois au moment où ils étaient furieux de la perte du vaisseau et de la part qu’il y avait eue. Et il n’était pas impossible même que de tels scélérats, réduits au désespoir par leurs malheurs, eussent commis le crime atroce d’égorger un enfant contre le père duquel on savait qu’Hatteraick avait proféré d’horribles menaces.

À cela on objectait que quinze ou vingt hommes n’auraient pu rester cachés sur la côte, lorsque des recherches si sévères avaient été immédiatement faites après la destruction de leur vaisseau, ou du moins que s’ils s’étaient cachés dans les bois, on aurait dû découvrir leurs barques sur le rivage, et que dans une situation aussi précaire que la leur, et lorsque toute retraite était pour eux, sinon impossible, du moins difficile, on ne devait pas penser qu’ils eussent été tous d’accord pour commettre un meurtre inutile, seulement pour l’amour de la vengeance.

Ceux qui étaient de cette opinion supposaient, ou que les barques du lougre s’étaient mises en mer sans être remarquées par ceux qui regardaient le vaisseau brûler, et qu’elles avaient gagné assez d’avance pour se sauver avant que le sloop eût tourné le promontoire, ou du moins que les chaloupes ayant été brisées et détruites par le feu du Shark durant le combat l’équipage s’était déterminé à sauter avec le vaisseau. Ce qui donnait quelque poids à cet acte supposé de désespoir, c’était que ni Dirk Hatteraick, ni aucun de ses matelots, tous bien connus par leur libre commerce, ne furent vus dans la suite sur la côte, et qu’on n’en entendit plus parler dans l’île de Man, où l’on fit de sévères recherches. D’un autre côté un seul corps, et c’était celui d’un matelot frappé d’un boulet, fut jeté par les flots sur le rivage. Ainsi tout ce qu’on put faire, fut d’enregistrer les noms et les signalements de tous les individus qui formaient l’équipage du lougre, et d’offrir une récompense à celui qui les arrêterait tous ou seulement l’un d’eux ; pareilles offres furent faites à quiconque, excepté l’assassin, pourrait fournir quelques preuves propres à convaincre les meurtriers de Frank Kennedy. Une autre opinion, qui avait aussi quelque vraisemblance, chargeait de ce crime les anciens habitants de Derncleugh ; on savait qu’ils avaient hautement exprimé leur ressentiment contre la conduite du laird d’Ellangowan envers eux ; qu’ils avaient proféré des menaces que chacun les croyait capables de mettre à exécution.

L’enlèvement de l’enfant était un crime plus dans leurs habitudes que dans celles des contrebandiers, et Kennedy, sous la garde