Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/44

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traversé deux ou trois riches pâturages, il arriva à une bruyère découverte, appartenant à la commune, et de là sur le haut d’une petite éminence. « Voici, dit-il, monsieur Lovel, un lieu vraiment remarquable.

— La vue en est superbe, dit son compagnon en regardant autour de lui.

— Il est vrai, mais ce n’est pas pour la vue que je vous ai amené ici ; ne voyez-vous rien autre, rien de remarquable, n’apercevez-vous rien sur la surface du terrain ?

— Mais pardonnez-moi, je vois quelque chose qui ressemble à un fossé confusément tracé.

— Confusément ! excusez-moi, monsieur, mais la confusion est toute dans vos facultés visuelles ; rien ne peut être plus clairement indiqué. C’est bien l’agger ou vallum véritable avec son fossé, fossa, correspondant… Confusément, dites-vous ? que le ciel vous assiste ! Comment ! mais ma nièce, cette jeune fille aussi étourdie qu’aucun oison de son sexe, a vu tout d’un coup les traces du fossé. Confusément ! parbleu le poste important d’Ardoch ou celui de Burnswark dans l’Annandale, se voient plus distinctement, sans doute, parce que ce sont des forts stationnaires, tandis que celui-ci ne fut qu’un campement momentané. Confusément ! mais réfléchissez donc que des rustres, des manans, des idiots ont labouré ce terrain, et, comme des animaux et des ignorans sauvages qu’ils sont, ils ont effacé deux côtés du carré, et fort endommagé le troisième ; mais vous voyez vous-même que le quatrième est tout entier. »

Lovel essaya d’excuser et d’expliquer sa phrase malencontreuse, en insistant sur son inexpérience. Mais il n’y réussit pas entièrement d’abord. Sa première exclamation était partie trop franchement, et d’une manière trop naturelle pour ne pas alarmer l’Antiquaire, qui eut de la peine à revenir du choc qu’il en avait éprouvé.

« Mon cher monsieur, continua le vieillard, vos yeux ne manquent pas d’expérience, et je présume que vous distinguez un fossé d’un terrain uni. Confusément ! comment ! mais les gens du peuple, le moindre petit garçon qui peut faire paître une vache, l’appelle le Kaim de Kinprunes[1], et si cela ne signifie pas un ancien camp, je ne m’y connais pas. »

  1. Kaim, corruption du mot camp. Tout à l’heure Oldbuck donnera lui-même l’explication de Kinprunes. a. m.