Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 7, 1838.djvu/45

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Lovel ayant encore acquiescé, et étant enfin parvenu à apaiser la vanité irritée et soupçonneuse de l’Antiquaire, celui-ci continua son office de cicérone. « Il faut que vous sachiez, dit-il, que nos antiquaires écossais ont été extrêmement partagés relativement à la situation locale de la dernière bataille entre Agricola et les Calédoniens. Quelques uns soutiennent que ce fut à Ardoch, dans le Strathallan, d’autres à Innerpeffrey ; il y en a qui veulent que ce soit à Raedykes, dans le Mearns, tandis que les autres placent le théâtre de cette action aussi avant dans le nord que Blair en Athole. Or, après toutes ces discussions, continua le vieux gentilhomme avec un de ces regards les plus expressifs d’une satisfaction secrète, que diriez-vous, monsieur Lovel, s’il se trouvait que la scène mémorable de cette action se fût passée dans le lieu même appelé le Kaim de Kinprunes, dans la propriété de l’humble individu qui vous parle maintenant ? » Puis, après s’être arrêté un moment comme pour laisser à son compagnon le temps de revenir de l’étonnement où devait le jeter une nouvelle si importante, il reprit sa dissertation d’un ton plus élevé : « Oui, mon bon ami, je serais bien trompé si cet endroit ne répondait pas à toutes les marques qui indiquent le lieu célèbre de ce combat. Ce fut auprès des monts Grampians ; vous les voyez là, élevant leurs sommets dans les nues, et leur disputant les bornes de l’horizon. Ce fut in conspectu classis, en vue de la flotte romaine ; aucun amiral romain ou breton pouvait-il désirer une baie plus propice que celle que vous voyez à main droite ? Il est étonnant combien nous autres antiquaires sommes quelquefois aveugles ; sir Robert Sibbald, Saunders Gordon, le général Roy, le docteur Stukely, n’en ont pas eu l’idée. Je ne me souciais pas de dire un mot que je ne me fusse assuré du terrain, car il appartenait au vieux Johnie Howie, un laird paysan[1] tout près d’ici, et nous eûmes ensemble plus d’une conférence avant de pouvoir nous entendre. À la fin, j’en suis presque honteux, je me décidai à lui donner le même nombre d’acres de mes bons champs de blé pour ce terrain stérile. Mais aussi c’était un intérêt national, et quand le théâtre d’un événement si célèbre m’appartint, je me crus bien dédommagé. Quel est celui dont le patriotisme ne s’échaufferait pas, comme le dit le vieux Johnson, sur la plaine de Marathon ? J’ai commencé à faire fouiller le terrain pour voir ce qu’on pourrait y

  1. Bonnet-laird, dit le texte, pour signifier un petit propriétaire ayant l’habit et les habitudes du fermier. a. m.