Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/255

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trer. — Ou sinon, dit Jocelin, je me flatte de pouvoir l’empêcher de troubler la bonne compagnie. — Point de violence, Jocelin, sur votre vie, » dit Albert Lee ; et Alice répéta : « Pour l’amour de Dieu, pas de violence ! — Point de violence inutile, du moins, ajouta le bon chevalier ; car, si la circonstance l’exige, je saurai faire voir que je suis maître dans ma maison. » Jocelin Joliffe secoua la tête en signe d’assentiment à tout le monde, et alla sur la pointe du pied échanger avec l’arrivant deux ou trois autres coups mystérieux ou signaux avant d’ouvrir la porte. On peut remarquer ici que cette espèce d’association secrète, avec ses symboles d’union, existait dans la classe la plus dissolue et la plus désespérée des Cavaliers, hommes accoutumés à la vie dissipée dont ils avaient pris l’habitude dans une armée mal disciplinée, où tout ce qui ressemblait à l’ordre et à la régularité passait trop aisément pour un signe de puritanisme. C’étaient ces jeunes vagabonds qui se rencontraient dans de pauvres cabarets, et quand ils avaient par hasard un peu d’argent ou de crédit, ils juraient alors de faire une contre-révolution, en déclarant leurs séances permanentes, suivant les paroles d’une de leurs chansons les plus choisies :

Nous boirons à pleine coupe
Et rapporterons, ma foi,
Soit en tête, soit en croupe,
En triomphe notre roi.

Les chefs et les royalistes d’un rang plus élevé et de mœurs plus régulières ne partageaient pas ces excès, mais ils avaient toujours les yeux sur une classe de gens qui, par leur courage et leur désespoir, étaient capables de servir dans une occasion avantageuse la cause abattue de la royauté. Ils se rappelaient les auberges et les tavernes borgnes où ils se réunissaient, comme les marchands en gros connaissent les maisons où se rassemblent leurs ouvriers, et peuvent dire où l’on doit les trouver quand ils en ont besoin. Il est à peine nécessaire d’ajouter que, dans les classes inférieures comme dans les plus hautes, il se trouvait des gens capables de trahir les projets et les complots de leurs associés, bien ou mal combinés, et d’en faire part aux chefs de l’État. Cromwell, en particulier, s’était procuré quelques agens de cette espèce, du plus haut rang et de la réputation la plus intacte parmi les royalistes, qui, s’ils se faisaient scrupule d’entraver ou de trahir les hommes qui se fiaient à eux, n’hésitaient pas à donner au gouvernement des renseignements gé-