Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/297

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plus sévère, pensa-t-il en dernier lieu, que le vieux banc de repentance en Écosse[1], et, toute jolie que soit Alice Lee, je ne m’en gagerai pas pour cette intrigue à courir de pareils risques. Ainsi, adieu, charmante jeune fille ! à moins que, comme cela s’est vu quelquefois, il ne te prenne fantaisie de te jeter aux genoux de ton roi, et, dans ce cas, je suis trop magnanime pour te refuser ma protection… Et cependant, quand je me représente ce vieillard pâle et glacé comme un mort, ainsi que je l’ai vu hier au soir étendu devant moi, quand je me figure la fureur d’Albert Lee transporté d’indignation, la main sur une épée que la loyauté seule l’empêche de plonger dans le cœur de son souverain… Non, ce tableau est trop horrible ! Charles doit pour toujours changer son nom en celui de Joseph, quelque tentation qu’il puisse éprouver : et puisse la fortune bienveillante ne pas m’y exposer !… »

Pour dire la vérité sur un prince plus malheureux par le choix des compagnons de ses premières années et par l’endurcissement auquel il s’habitua, par les aventures et la vie désordonnée de sa jeunesse, que par ses dispositions naturelles, Charles se détermina d’autant plus facilement à prendre ce parti, qu’il n’était pas sujet à ces passions violentes et irrésistibles pour l’accomplissement desquelles on sacrifie sans regret le monde entier. Ses amours, ils furent comme bien d’autres de ce siècle, plutôt affaire d’habitude et de mode que de tendresse et de passion ; et, en se comparant à cet égard à son grand-père Henri IV, il ne rendait exactement justice ni à son aïeul ni à lui-même. Pour parodier les expressions d’un poète entraîné par ces passions orageuses qui ont besoin d’une occasion pour s’élever, il n’était

De ces gens aimant tendrement,
Et de ces gens aimant aveuglément.

Un amour n’était pour lui qu’un sujet d’amusement, une suite naturelle, à ce qu’il lui semblait, du cours ordinaire des choses dans la société. Il ne se mettait pas en peine de déployer l’art d’un séducteur, parce qu’il avait rarement trouvé l’occasion de le faire ; son rang, et la corruption de quelques femmes des sociétés où il avait vécu le lui rendant inutile ; de plus, il avait par la même raison rarement rencontré des parents ou même des maris qui s’étaient opposés à ce que les choses suivissent leur cours naturel.

Ainsi, malgré la perversité de sa morale, et quoiqu’il se fût fait

  1. Voir Waverley. a. m.