Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que si je m’étais excusée de partager avec lui une couronne actuellement sur sa tête… Mais pouvez-vous croire que je puisse entendre calomnier toutes les personnes qui me sont les plus chères, sans émotion ni réplique ? Non, monsieur ; et quand même je vous verrais assis sur votre trône, environné de toutes les terreurs de la chambre ardente de votre père, vous m’entendriez encore défendre l’absent et l’innocent. De mon père, je n’en parlerai pas ; je dirai seulement qu’il est aujourd’hui sans richesses, sans domaines, presque sans maison pour l’abriter, sans la nourriture qui lui est nécessaire, et pourquoi ? Parce qu’il a dépensé tout son bien au service du roi. Il n’avait besoin de commettre aucun acte de trahison, aucune action humiliante pour se procurer des richesses. Ses propres biens lui en assuraient d’assez étendues. Quant à Markham Éverard… il ne sait ce que c’est que l’égoïsme. Il ne voudrait pas pour toute l’Angleterre, renfermât-elle les trésors du Pérou dans son sein, et un paradis sur sa surface, faire une action qui déshonorât son nom ou qui blessât les sentiments de personne. Les rois, milord, peuvent recevoir une leçon de lui. Pour le moment, je suis obligé de vous laisser, sire. — Alice, Alice !… arrêtez ! s’écria le roi ; ah ! elle est partie… Voilà bien la vertu… réelle, désintéressée, vénérable… où il n’en existe pas sur la terre ! Pourtant Wilmot et Villiers n’en croiront pas un mot, mais ils mettront cette histoire au rang des merveilles de Woodstock… C’est une étrange fille ! et je déclare, pour me servir de la protestation du colonel, que je ne sais si je dois lui pardonner et faire la paix avec elle, ou viser à une éclatante vengeance. Sans ce maudit cousin… ce colonel puritain… je pourrais tout pardonner à une si noble fille ; mais me préférer une rebelle Tête-ronde !… Me l’avouer en face, et me dire qu’un roi peut recevoir une leçon de lui… c’est du fiel et de l’absinthe. Ah ! si le vieillard n’était pas survenu ce matin, le roi aurait reçu ou donné une leçon sévère. C’était folie à moi de me hasarder avec mon rang et ma responsabilité… Et pourtant cette fille m’a tellement fâché contre elle, et rendu si jaloux de lui, que si l’occasion s’en présentait, je pourrais à peine me résoudre à la manquer… Mais, qui nous vient là ? »

L’interjection qui termina ce royal soliloque fut occasionnée par l’arrivée inattendue d’un autre personnage de notre drame.