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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/401

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l’on entendit un chien qui grattait comme demandant à entrer.

« Et quel mal a donc Bévis ? demanda le vieux chevalier. Je crois que c’est aujourd’hui la fête des fous, et que tout déraisonne autour de moi ! »

Le même cri interrompit une conversation particulière dans laquelle Albert et Charles étaient engagés, et le colonel courut à la porte du vestibule pour connaître par lui même la cause de ce tapage.

« Ce n’est pas une alarme, dit le vieux chevalier, car l’aboiement du chien serait court, aigre et furieux. Les longs hurlements sont, dit-on, de mauvais augure. Ce fut ainsi que l’aïeule de Bévis hurla toute la nuit pendant laquelle mourut mon père. Si c’est encore un présage, Dieu veuille que ce malheur tombe sur les vieux et les inutiles, non sur les jeunes et sur ceux qui peuvent encore servir le roi et le pays ! »

Le chien passa à travers les jambes du colonel Lee, qui resta quelque temps à la porte pour écouter si rien ne bougeait au dehors, et Bévis entra dans l’appartement où la compagnie se tenait, portant quelque chose à sa gueule, et témoignant à un point extraordinaire ce sentiment de devoir et d’intérêt que semble montrer un chien quand il se croit chargé d’un objet important. Il dressait donc sa longue queue, sa tête et ses oreilles baissées, et marchait avec la dignité imposante, mais triste, d’un cheval de bataille qui assiste aux funérailles de son maître. Il traversa ainsi la chambre, se dirigea vers Jocelin qui était demeuré tout ébahi à le regarder, et poussant un court et lugubre cri, déposa à ses pieds l’objet qu’il portait entre ses dents. Jocelin se baissa et ramassa un gant d’homme, comme en portaient les soldats, et ressemblant un peu à l’ancien gantelet, puisqu’il avait de ces montants en cuir épais qui recouvrent la moitié du bras et le garantissent d’un coup de sabre. Jocelin n’eut pas plus tôt aperçu cet objet, qui n’était cependant rien par lui-même, qu’il le laissa échapper, chancela en arrière, poussa un cri et tomba presque à terre.

« Ah ! maudit sois-tu poltron, imbécile ! » dit le chevalier qui avait ramassé le gant ; puis le regardant… « On devrait te renvoyer à l’école, et te fouetter jusqu’au sang. Ne vois-tu pas que ce n’est qu’un gant, stupide bête, et un gant bien sale, encore ?… Hé ! voici de l’écriture, c’est un nom, Joseph Tomkins !… Ma foi, c’est ce drôle de Tête-ronde.. Je souhaite qu’il ne lui soit pas arrivé malheur… car ce n’est pas de boue qu’il est taché, mais de sang.