Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/46

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en l’air, comme pour aller rejoindre le fourreau ; et, rouge de honte et de colère, sir Henri resta désarmé à la merci de son adversaire. Le républicain ne parut pas disposé à faire un mauvais usage de son avantage ; et, pendant le combat comme après, il conserva constamment cette impassibilité dure et sévère qui régnait sur sa physionomie… Un combat à vie et à mort lui semblait une chose aussi familière et aussi peu à craindre qu’un assaut ordinaire avec des fleurets.

« Tu es en mon pouvoir, dit-il ; et par la loi des armes, je pourrais te frapper sous la cinquième côte, comme Asahel fut frappé de mort par Abner, fils de Nun, un jour qu’il suivait la chasse sur la montagne d’Ammah, située en avant de Giah, sur le chemin du désert de Gibéon. Mais loin de moi la pensée de répandre les dernières gouttes de ton sang : pourtant tu es le captif de mon épée et de ma lance ; mais comme tu peux encore sortir de ce mauvais pas et rentrer dans la bonne voie, si le Seigneur avance pour toi le moment du repentir et de la réforme, pourquoi abrégerais-je tes jours, moi pauvre pécheur mortel qui ne suis, à proprement parler, qu’un ver comme toi ? »

Sir Henri Lee était encore plus confus, et ne pouvait répondre, quand survint un quatrième personnage attiré par les cris d’Alice. C’était Jocelin Joliffe, un des sous-gardiens du parc, qui, voyant où en étaient les choses, brandit son gourdin qui ne le quittait jamais, et lui ayant fait décrire un huit en l’air par un moulinet rapide, l’eût déchargé par vengeance sur la tête du maître d’hôtel, si sir Henri ne l’eût empêché.

« Il nous faut maintenant porter les bâts, Jocelin ; le temps de les mettre est passé. Il est inutile de chercher à lutter contre une montagne… le diable a tourné la broche et rendu nos esclaves nos maîtres. »

En ce moment un autre auxiliaire, sorti du taillis, accourut au secours du chevalier. C’était le gros chien-loup, avec la force du mâtin, avec la forme et presque l’agilité d’un lévrier, dont nous avons déjà parlé. Bévis était le plus noble des animaux de son espèce qui aient jamais abattu un cerf. Son poil était de la couleur de celui d’un lion, son museau noir ainsi que ses pattes, bordées toutes quatre d’une raie blanche au dessus de la corne. Il n’était pas moins docile que fort et courageux. À l’instant où il allait s’élancer sur le soldat, ces mots : « Paix, Bévis ! » prononcés par sir Henri, changèrent le lion en agneau, et au lieu de terrasser le