Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/72

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et je ne tarderai qu’une minute à les suivre, le temps nécessaire pour vous communiquer un message de mon père. Accordez-moi cette faveur, par l’amour que vous m’avez autrefois porté. — Oui, Mark, » répondit son oncle avec fermeté mais d’un ton douloureux, « tu dis vrai ; je t’ai chéri autrefois, lorsque tu étais ce jeune enfant à blonde chevelure, à qui j’apprenais à monter à cheval, à tirer, à chasser… quand tu passais avec moi tes heures de plaisir, après t’être livré à des occupations plus sérieuses. Je te chérissais enfant… oui, et je me sens encore la faiblesse de chérir jusqu’au souvenir de ce que tu étais. Mais tu n’es plus, Mark ; tu n’es plus ! et je ne vois à ta place qu’un rebelle avoué et résolu, un rebelle à sa religion et à son roi, un rebelle que ses succès rendent plus détestable encore, plus infâme en proportion des richesses volées et dont il espère dorer sa trahison… Mais je suis pauvre, penses-tu, et je devrais garder le silence, de peur que les hommes ne crient : Parle, drôle, quand on t’interpellera… Apprends toutefois que, pauvre et malheureux comme je le suis, je me crois déshonoré pour avoir tenu un si long entretien avec un des chefs des rebelles usurpateurs… Va-t’en, si tu veux, à la Loge ; tiens, voilà le chemin… Mais ne pense pas que, pour recouvrer mon ancienne habitation, ou toutes les richesses que je possédais aux jours de ma prospérité, je ferais volontiers trois pas avec toi sur cette pelouse. Si l’on doit me voir en ta compagnie, ce sera seulement quand les habits rouges m’auront lié les mains derrière le dos, et attaché les jambes sous le ventre de mon cheval. Alors je pourrai faire route avec toi, je l’avoue, si tu le veux, mais pas avant. »

Alice, qui souffrait cruellement pendant ce dialogue, et qui prévoyait bien que toute observation de sa part ne ferait qu’enflammer plus vivement encore le ressentiment du chevalier, se risqua enfin dans son anxiété à faire signe à son cousin de rompre l’entrevue et de se retirer, puisque son père lui ordonnait de partir d’un ton si impérieux et si positif. Malheureusement elle fut surprise par sir Henri qui, concluant que ce qu’il voyait était la preuve d’une intelligence secrète entre eux, devint plus courroucé que jamais, eut besoin de se faire violence pour se contenir, et de se rappeler tout ce qu’il devait à sa dignité pour parvenir à voiler la fureur qu’il ressentait sous le même ton d’ironie qu’il avait su prendre dès le commencement de cette triste entrevue.

« Si tu as peur de traverser nos clairières au milieu de la nuit, respectable étranger, à qui je suis peut-être tenu de rendre hom-