Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/105

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et ce ton lent et pédantesque qu’ils cherchent à prendre pour déguiser la différence de leur idiome ou de leur dialecte. Je remarquai aussi dans beaucoup de ses observations et de ses réponses, la défiance et la finesse écossaises ; mais je ne m’attendais pas à l’air d’aisance naturel et de supériorité qui semblait l’élever au-dessus de la compagnie dans laquelle il se trouvait comme par hasard. Son habit était aussi grossier que possible, quoique décent ; et dans un temps où l’on faisait si grande dépense pour la toilette, même parmi les moindres gens qui prétendaient au titre de gentleman, son accoutrement annonçait sinon la pauvreté, du moins la gêne. Sa conversation me fit connaître qu’il faisait le commerce de bestiaux, état peu distingué. Néanmoins, malgré tous ces désavantages, il semblait traiter le reste de la compagnie avec cette politesse froide et facile qui annonce toujours une supériorité réelle ou imaginaire sur ceux à qui elle s’adresse. Quand on lui demandait son avis sur un point, il répondait avec ce ton d’assurance que prend un homme supérieur par son rang ou ses connaissances à ceux qui l’écoutent, comme si ses paroles ne devaient être ni révoquées en doute, ni réfutées. Mon hôte et ses convives du dimanche, après une ou deux tentatives pour soutenir leur opinion à force de cris, plus que par leur logique, se laissaient peu à peu dominer par M. Campbell, qui devint ainsi maître de diriger à son gré la conversation. Je fus tenté, par curiosité, d’entrer moi-même en lice avec lui, me fiant à ma connaissance du monde, agrandie par mon séjour à l’étranger, et à l’éducation passable que j’avais reçue. Sous ce dernier rapport, il n’essaya pas de soutenir la lutte, et il me fut facile de voir que ses talents naturels n’avaient jamais été cultivés. Mais je le trouvai bien mieux au fait que moi sur la situation actuelle de la France, sur le caractère du duc d’Orléans qui venait d’être appelé à la régence de ce royaume, et sur celui des ministres qui l’entouraient ; ses remarques fines, piquantes et parfois satiriques, dénotaient un homme qui avait observé de près les affaires de ce pays.

Quand la conversation tombait sur la politique, Campbell gardait un silence et affectait une modération qui semblaient dictés par la prudence. Les divisions des whigs et des torys ébranlaient alors l’Angleterre jusque dans ses fondements. Un puissant parti, secrètement dévoué au roi Jacques, menaçait la dynastie de Hanovre tout récemment établie sur le trône. Chaque taverne retentissait des disputes politiques, et comme les opinions de mon hôte