Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/106

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étaient fort libérales, qu’il ne se querellait jamais avec les bonnes pratiques, ses convives hebdomadaires entamaient souvent à sa table des discussions aussi violentes que s’il eût traité le conseil de ville. Le curé et l’apothicaire, avec un petit homme qui ne disait mot de son état, mais qui, à en juger par l’agilité de ses doigts et ses différents gestes, devait être le barbier, épousait vivement la cause des grands dignitaires de l’Église et celle des Stuarts. Le percepteur des contributions, comme il était de son devoir, et le procureur, qui visait à une petite place dépendant de la couronne, ainsi que mon compagnon de voyage, prenaient une grande part à la dispute, et défendaient chaudement la cause du roi George et de la succession protestante. C’étaient des cris affreux, d’horribles jurements ! Les deux partis en appelèrent à M. Campbell, jaloux au même degré d’obtenir son approbation.

« Vous êtes Écossais, monsieur ; un gentilhomme de votre nation doit appuyer les droits héréditaires, » criait un parti.

« Vous êtes presbytérien, ajoutait le parti contraire, vous ne pouvez être partisan du pouvoir absolu.

— Messieurs, » dit notre oracle écossais, après avoir obtenu non sans peine un instant de silence, « je ne doute pas que le roi George ne mérite la prédilection de ses amis ; et ma foi, s’il parvient à conserver sa prise, à coup sûr il peut nommer ce digne percepteur commissaire du revenu, et donnera notre ami M. Quitam une place de procureur-général ; il peut aussi accorder faveurs et récompenses à cet honnête monsieur assis sur son porte-manteau qu’il préfère à une chaise : mais, sans aucun doute, le roi Jacques connaît aussi la reconnaissance, et puisqu’il met la main au jeu, il peut, s’il est bien disposé, faire ce révérend ministre archevêque de Cantorbéry, et le docteur Mixit premier chirurgien de sa maison, enfin confier sa royale barbe aux soins de mon ami Latherum. Mais comme je doute fort qu’aucun des deux souverains prétendants donnât à Rob Campbell un verre d’eau-de-vie s’il en avait besoin, je donne ma voix à Jonatham Brown, notre hôte, et le proclame, en dépit de tous, roi et prince des échansons, à condition qu’il nous donnera une autre bouteille, aussi bonne que la dernière. »

Cette saillie fut reçue avec d’unanimes applaudissements auxquels l’aubergiste se joignit de tout son cœur. Et quand il eut donné ses ordres pour remplir la condition d’où dépendait sa royauté, il ne manqua pas de dire « que tout pacifique que semblât