Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/90

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— Oh ! fi… monsieur Francis, quand vous savez combien je vous aime ! Votre cousin, ah ! bien, oui, un papiste sans doute comme son père, un ennemi de la succession protestante : c’est la même chose, n’est-ce-pas ?

— Il y a beaucoup d’honnêtes gens parmi les catholiques, monsieur Owen. »

Au moment où Owen allait répondre avec une chaleur extraordinaire, mon père rentra dans l’appartement.

« Vous avez raison, Owen, dit-il, et j’avais tort ; nous prendrons plus de temps pour réfléchir à cette affaire. Jeune homme, je vous donne un mois pour réfléchir sur ma proposition. »

Je m’inclinai en silence, charmé de ce répit qui me donnait l’espoir que mon père se relâcherait quelque peu de sa détermination.

Ce mois de réflexion s’écoula lentement sans qu’il arrivât rien de remarquable. J’allais et venais, j’employais mon temps comme bon me semblait, sans que mon père me fît la moindre question, le plus léger reproche. Il est vrai que je ne le voyais guère qu’aux heures de repas, et il évitait soigneusement une discussion que, vous le croirez aisément, je n’étais pas empressé d’ouvrir. Notre conversation roulait sur les événements du jour ou sur des sujets généraux, comme cela arrive entre deux personnes qui se connaissent peu. Personne, en nous entendant, n’eut deviné que nous avions à terminer une dispute de si haute importance ; pourtant cette idée m’assaillait souvent comme un cauchemar. Était-il possible qu’il tînt sa parole et déshéritât son fils unique en faveur d’un neveu, de l’existence duquel il n’était pas même certain ? À bien considérer les choses, la conduite que tint mon grand-père dans une circonstance pareille ne présageait rien de bon ; mais j’avais pris une fausse idée du caractère de mon père. Je me souvenais encore qu’avant mon voyage en France je le menais à mon gré, lui et toute sa maison ; mais j’ignorais qu’il y a des hommes qui se prêtent avec complaisance aux caprices de leurs enfants en bas âge, et qui se montrent sévères lorsque ces mêmes enfants, parvenus à l’âge mûr, osent résister à leurs volontés. Au contraire, je me persuadais que tout ce que j’avais à craindre était de perdre pour un instant sa tendresse,… peut-être d’aller à la campagne passer quelques mois ; et cette punition me plaisait d’autant mieux qu’elle me mettrait à même de terminer et de polir ma traduction de Roland furieux, poème que je voulais à toute force publier en