Page:Œuvres de la citoyenne de Gouges.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(2)

moit sous ton nom. On t’imputoit de ne servir le peuple que pour tes seuls intérêts, et non pour la patrie et pour les Français, qui avoient juré de mourir libres. Dieu m’est témoin que mon dessein n’étoit pas de t’offenser ; mais de t’éclairer sur l’abîme que des scélérats te creusent depuis long-temps.

Le 5 octobre 1789, des émissaires vinrent en foule chez moi, affectant de dire des horreurs sur ton compte ; mais mes réponses furent si énergiques en ta faveur, et j’étois si bien entourée dans ce moment, que ces assassins sortirent sans que je pusse deviner la cause qui les avoit amenés. Mes soupçons se partagèrent entre ta faction et celle de la cour. J’avois conseillé à Louis XVI, dans un ouvrage intitulé : la Séance Royale, d’abdiquer sa couronne, s’il vouloit la conserver à ses enfans. En un mot, je lui disois de demander un conseil à l’assemblée constituante, et d’abandonner le fardeau de la royauté. La cour alors me crut de concert avec toi, et alternativement je me suis trouvée en bute aux deux partis homicides qui ont fait couler tant de sang, sans compter celui qui coulera encore. Ô Bourbons ! les Français sont-ils donc nés pour être vos victimes et le jouet de votre ambition ! Va, Philippe, si je dois périr par vos poignards, je vous vendrai cher mes derniers momens.