Page:Œuvres de la citoyenne de Gouges.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
(8)

Je me détourne pour voir leur marche ; je les vis arrêtés avec une troupe de coupe-jarret, à laquelle ils me désignoient ; un entr’autres me suit, vêtu d’une veste et d’un pantalon de couleur de ramoneur, tenant un gros bâton qu’il agitoit dans sa main. Il me suivoit pas-à-pas. Je m’arrêtai trois fois pour le laisser passer : mais suivant tous mes mouvemens, il s’arrêtoit de même. Arrivé sur la place des Quatre-Nations, je pris le parti d’entrer dans une boutique de papetier ; j’instruisis les marchands de la démarche de cet homme ; il eut l’audace de se promener devant la boutique et d’attendre ma sortie. Les marchands me conseillèrent de traverser la boutique et de sortir par une porte de derrière. Je suivis cet avis, et trouvant à la porte une sentinelle, je l’instruisis de cet événement. On me fit entrer dans le corps-de-garde ; les citoyens qui composoient la garde, après avoir examiné cet homme, me proposèrent de me suivre de loin sans armes ; ce qui fut fait. Je sortis par le passage de la rue de Seine sur le quai. Ce quidam, qui ignoroit ma précaution, continua de suivre. Quand je fus en face d’un second corps-de-garde, je m’arrêtai. Je lui demandai, avec un ton ferme, ce qu’il me vouloit pour me suivre ainsi : il me répondit, n’êtes-